La fiscalité du numérique est un enjeu de compétitivité

A l'occasion du Forum parlementaire de la fiscalité du numérique organisé le 14 février 2012, le Conseil national du numérique a présenté ses pistes de réflexion en matière de fiscalité dans le secteur de l'économie numérique.

Au cours de la discussion du collectif budgétaire à la fin de l’année 2010, la question de la taxation des acteurs de l’internet non fiscalement domiciliés en France a fait l’objet de vifs débats. A été alors adoptée une nouvelle disposition fiscale destinée, à compter du 1er juillet 2011, à prélever 1% sur tous les achats publicitaires internet effectués par les "preneurs de services de publicité en ligne" établis sur le territoire français. Postérieurement à son adoption, cette mesure a été vivement critiquée par les acteurs de l’économie numérique.

Le Conseil national du numérique a émis le 10 juin 2011 ses premières recommandations en la matière avant de préconiser la suppression de cette mesure fiscale. A l’occasion de l’examen du projet de loi de finances rectificative pour 2011, le Parlement a suivi les recommandations du CNNum et procédé à l’abrogation de la mesure. Néanmoins la problématique demeure pleine et entière. En effet l’objectif principal de cette mesure n’était pas tant l’homogénéisation de la taxation de la publicité en France, que la taxation de groupes internet établis à l’étranger. L’enjeu qui demeure peut être résumé de la manière suivante : Comment faire contribuer aux finances de l’Etat des groupes qui, en parfaite conformité avec les règles fiscales françaises et européennes, sont établis fiscalement dans d’autres pays de l’Union européenne que la France, et ne paient donc pas en France d’impôt sur les sociétés alors même que ces groupes utilisent les infrastructures situées sur le territoire français, les services publics français, bénéficient d’avantages fiscaux et sociaux pour l’embauche d‘ingénieurs formés par le système scolaire et universitaire français ? Au regard de la situation économique actuelle, la question de la fiscalisation des revenus des acteurs de l’internet non domiciliés fiscalement en France est de nouveau en débat. A cela s’ajoute la question des différences de régimes fiscaux, notamment en matière de TVA qui sont susceptibles d’avoir un impact sur l’activité des acteurs français de l’économie numérique.

Pour le CNNum, l’objet de la fiscalité du numérique doit être défini. S’il peut être envisagé de créer des taxes affectées à certains programmes ou activités (financement du déploiement des réseaux, financement de la culture), la taxation des acteurs du numérique doit obéir à un objectif unique : la contribution au budget général de l’Etat. Il ne revient pas à une économie de soutenir ou de subventionner une autre économie. Il revient au Gouvernement, en fonction de ses priorités de politique publique, de définir quelles sommes il souhaite attribuer à telle ou telle action ou à telle ou telle industrie. Présenter le numérique comme une source de financement d’autres industries peut être préjudiciables à plus d’un titre. Actuellement, les grands groupes internationaux de l’économie numérique (Amazon, Apple, eBay, Facebook, Google, Skype, Yahoo!, etc.) fonctionnent sur la base du commissionnement : les revenus générés sur le territoire français sont perçus par leurs structures basées hors de France, leurs filiales françaises ne payant leur impôt que sur une base égale à (coût de fonctionnement de la structure française + 5 ou 10%).

Toute mesure fiscale doit donc viser principalement, voire exclusivement, les acteurs générant des revenus liés à une activité sur le territoire français et qui sont, actuellement, taxés dans un autre pays de l’Union européenne. Cet aspect est particulièrement flagrant en matière de commercialisation de contenus numérique (musique, VOD, ebook). Les principaux acteurs étrangers sont domiciliés au Luxembourg ou en Irlande bénéficiant d’une fiscalité inférieure de plusieurs points  à celle applicable aux acteurs français de l’offre légale. Si la France a pu rattraper son retard en matière de TVA sur le livre électronique, aucune mesure similaire n’a été prise en matière de musique en ligne ou de VOD.

Pour le CNNum, l’enjeu du débat sur la fiscalité du numérique est de taxer les acteurs étrangers qui ne contribuent pas directement au budget général de l’Etat afin de rééquilibrer la compétitivité pour les acteurs français du numérique et avoir un traitement fiscal équitable. Il est donc urgent d’avoir une réforme tendant à remettre sur un même pied d’égalité l’ensemble des acteurs générant des revenus à partir du territoire français. En parallèle, il est important de ne pas générer une fiscalité spécifique qui s’appliquerait aux acteurs du numérique, notamment français. Taxer les acteurs du numérique, mais les taxer intelligemment en tenant compte de l’élément de compétitivité que représente dorénavant la fiscalité. Toute mesure fiscale propre au numérique devra avoir plusieurs dimensions :

  • avoir vocation à rééquilibrer la pression fiscale pesant sur les acteurs du numérique en visant les acteurs non soumis à l’impôt en France ;
  • avoir vocation à s’appliquer de manière transversale à tous les acteurs étrangers du numérique, quelque soient leurs business models.

Pour ces raison, le Conseil national du numérique recommande :

  • à long terme, de travailler au plan communautaire, à l’adoption d’un statut créant un établissement stable virtuel ;
  • à court terme : de taxer les bénéficies des acteurs étrangers du numérique sur la base du cycle commercial complet et d’élaborer une TVA adaptée aux offres légales en ligne soit au travers d’une approche homothétique, soit en développant un taux adapté

  Crédits : image 401K/flickr (cc)

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