Remise du rapport sur le travail à l'ère des plateformes le 1er juillet 2020 en présence de Cédric O
Depuis les débats parlementaires sur la loi d’Orientation des mobilités (LOM) et ses prises de position, le Conseil national du numérique (CNNum) travaille en auto-saisine sur les relations entre les plateformes numériques et leurs travailleurs. Il publiera le 1er juillet prochain ses propositions pour un nouvel équilibre entre travailleurs et plateformes, dans un contexte où la situation de ces travailleurs, fortement dégradée à cause de la crise sanitaire, impose d’agir vite.
Une conférence de presse (en ligne) de présentation du rapport aura lieu le 1er juillet de 13h à 14h en présence du secrétaire d'État chargé du numérique, Cédric O.
Le travail sur les plateformes, au cœur de l’après-Covid
Les travailleurs des plateformes sont progressivement devenus le symbole d’une crise profonde du travail traversée par notre société. L’absence de droits et de protections de ces travailleurs a été particulièrement mise en lumière par la crise sanitaire liée à la propagation du Covid-19. Les images des livreurs à vélo circulant dans un Paris confiné ont pu choquer. Des enseignes de la grande distribution auraient eu recours à des travailleurs des plateformes, au mépris des règles sociales et sanitaires. Ces événements ont contribué à faire émerger un débat plus général sur les protections des travailleurs indépendants. Une récente enquête sur les livreurs d’une plateforme dans le secteur de la restauration a révélé à quel point le modèle des plateformes pouvait être tributaire de la vulnérabilité de leurs travailleurs, dont une partie (difficilement quantifiée et quantifiable) est en situation irrégulière.
Ces événements inscrivent la nécessité de trouver un nouvel équilibre entre travailleurs et plateformes dans la réflexion sur l’après-Covid. Le développement de ce phénomène nous interroge aussi collectivement sur la place du travail et sur notre modèle social, un questionnement qui dépasse largement le nombre des travailleurs concernés.
Jusqu’à présent, des réponses gouvernementales timorées
Les droits des travailleurs des plateformes font l’objet de réflexions au sein du Gouvernement depuis de nombreuses années. Jusqu’à présent, celles-ci ont toutefois majoritairement abouti à des tentatives timorées de concilier la concession de droits aux travailleurs et la protection des plateformes contre le risque de requalification de leurs travailleurs en salariés. Les chartes de responsabilité sociale, créées par l’article 44 de la loi d’Orientation des mobilités, en sont l’illustration la plus récente. Cet article, partiellement censuré depuis par le Conseil constitutionnel, devait permettre aux plateformes de se prémunir d’une requalification de leurs travailleurs en salariés par le Juge, en l’échange de protections offertes aux travailleurs à la discrétion de la plateforme, moyennant l’adoption d’une charte. Au moment des débats parlementaires, les membres du Conseil national du numérique avaient émis de sérieux doutes quant à son efficacité.
La réflexion gouvernementale est toujours en cours. Dans une lettre du 5 juin 2020, le Premier ministre a demandé à Jean-Yves Frouin, Président de la mission d’information sur la représentation des travailleurs des plateformes, de travailler sur la sécurisation juridique des travailleurs et des plateformes, le renforcement de leur protection sociale et, enfin, de poursuivre les travaux sur l’institution d’un dialogue social entre les travailleurs et les plateformes. La piste d’un statut intermédiaire entre salariat et indépendance est ainsi évoquée, alors même qu’elle était écartée par un rapport de la commission des Affaires sociales du Sénat quelques jours plus tôt.
Le CNNum engagé pour un nouvel équilibre entre travailleurs et plateformes
Les membres du CNNum partagent la conviction du Gouvernement, selon laquelle un nouvel équilibre entre travailleurs et plateformes est nécessaire. Mais la création d’un statut juridique ad hoc ne leur paraît pas à même de répondre adéquatement à la situation des travailleurs des plateformes. Dans les pays où un tel statut existe (Royaume-Uni, Italie), il a été davantage vecteur de confusion et d’insécurité juridique pour les travailleurs comme les plateformes que de clarté et de sécurité.
La réponse à cette question ne doit pas être uniquement juridique ou législative : des organisations alternatives sont possibles. On peut citer les plateformes sur lesquels différents statuts coexistent, comme Hilfr au Danemark, ou encore les plateformes coopératives, à l’image de CoopCycle. Le dialogue social peut aussi être le puissant vecteur d’une pacification des relations entre travailleurs et plateformes, à la condition de garantir un équilibre des pouvoirs.
La réponse doit, par ailleurs, être numérique : les applications des plateformes ne sont pas neutres, il faut le rappeler. Elles sont conçues par des designers, des développeurs, des data scientists et peuvent sans cesse être améliorées pour ré-humaniser les travailleurs.
Avec l’ambition de contribuer à l’émergence d’un nouvel équilibre dans le monde de l’après-Covid, les membres du Conseil national du numérique se sont saisis du sujet des travailleurs des plateformes. Le Conseil souhaite participer à la réflexion collective en publiant un rapport sur cette question et émettre des recommandations concrètes et opérationnelles. Les membres du CNNum proposent ainsi des mesures immédiatement actionnables, afin de répondre concrètement à l’urgence de la situation des travailleurs, tout en engageant une réflexion plus large et prospective sur le travail à l’ère des plateformes.
Ces travaux s’inscrivent dans la lignée des consultations citoyennes menées dans le cadre du rapport Travail, Emploi, Numérique (2016) et des synthèses des États généraux sur les nouvelles régulations du numérique (2020). Ils s’appuient également sur de nombreuses auditions, en portant une attention particulière à la représentation des travailleurs.