Les agents publics, une source de contribution pour Wikipédia ?
(Initialement publié par Émile Marzolf pour Acteurs Publics le 21 octobre et accessible sur leur site.)
Le Conseil national du numérique (CNNum) a organisé le 20 octobre un atelier avec ses membres et des agents publics pour une initiation à la contribution à Wikipédia et donc aux communs numériques. Le CNNum montre l’exemple et troque ses outils internes contre des logiciels libres.
Rendez-vous est pris rue Dutot dans les locaux de l’éducation nationale. Le Conseil national du numérique (CNNum) y a réuni, jeudi 20 octobre, une quinzaine de participants pour un atelier de contribution à Wikipédia, l’encyclopédie libre et collaborative. La plupart sont déjà des initiés, et même des promoteurs des “communs numériques et logiciels libres”, ces ressources à la production et à la gouvernance partagée, auxquelles tout un chacun peut contribuer.
On y trouve ainsi Bastien Guerry, le référent “logiciels libres” de la DSI de l’État, la Dinum, Benoît Piédallu, en charge de la boîte à outils libres “Apps.Education”, ou encore Missak Kéloglanian, aux manettes du Système de design de l’État au service d’information du gouvernement (SIG). Le reste de l’audience était principalement composé d’agents du secrétariat général du CNNum, d’une agente de la direction générale des entreprises, d’une autre de l’IGN. Et enfin de 4 membres de Wikimédia France, l’association chargée de développer les projets de la Fondation (Wikipédia, Wiktionnaire, Wikidata…), venus pour présenter concrètement comment contribuer à son échelle à l’enrichissement de Wikipédia.
L’association intervient déjà régulièrement dans des musées, bibliothèques et surtout des salles de classe. “Contribuer à Wikipédia mobilise tout un tas de compétences : il faut savoir rapporter des faits, sourcer l’information, la recouper et la hiérarchiser”, souligne Agathe Bougon, en charge de la communication du CNNum et coorganisatrice de l’atelier, pensé cette fois-ci pour les agents publics. “Nous nous efforçons, au Conseil, de diffuser des clés de compréhension, à notre échelle, de ce que représentent les biens communs numériques, et au-delà, d’encourager la découverte et l’utilisation concrète de ces outils”, ajoute-t-elle.
Le Conseil a commencé ce travail de sensibilisation lors du déclenchement de la guerre en Ukraine, dans la continuité de l’impulsion nouvelle donnée par le gouvernement avec un plan d’action en faveur des communs et logiciels libres. “Nous avons organisé 2 premiers ateliers avec des chercheurs, pour les sensibiliser à la contribution à un commun, puis avec des médiateurs numériques, explique Louis Magnes, ancien collaborateur de la députée Paula Forteza et aujourd’hui en charge du plaidoyer au CNNum. Nous cherchons à toucher différents publics pour montrer, en somme, qu’un autre numérique est possible.” L’idée étant de montrer très concrètement par “le faire” pourquoi et comment l’administration a intérêt à se saisir de ces communs. Et pour cela, rien de mieux que de s’exercer sur le plus populaire d’entre eux.
Gestion collective
La démarche n’est pas franchement compliquée. Le plus difficile reste de savoir par où commencer, tant l’encyclopédie regorge déjà de ressources. Plus de 2 millions d’articles sont disponibles en français. La contribution ne se limite pas à rédiger de nouveaux articles. Il peut s’agir tout simplement de vérifier que ceux qui existent respectent les principes de neutralité et de fiabilité chers à l’encyclopédie, qu’ils sont suffisamment sourcés ou qu’ils ne font pas l’objet d’une “guerre d’édition” entre les défenseurs de cette neutralité et des contributeurs ne cherchant qu’à travestir la réalité pour défendre, au hasard, un politicien.
Dans ces cas, certains contributeurs au statut d’administrateur peuvent intervenir pour geler l’article temporairement et empêcher toute modification. Tout cela montre surtout qu’un commun aussi répandu que Wikipédia reste fragile et qu’il repose sur un effort collectif. “Ces ateliers servent à faire comprendre que les contributeurs sont le moteur, sans eux, il n’y aurait plus d’encyclopédie”, explique Naphsica Papanicolaou, chargée de plaidoyer à Wikimédia France. Ils servent aussi à aller vers davantage de diversité dans les contenus, aussi bien en matière de genre que de géographie ou de langue.
Passerelles entre administrations
On ne peut pas dire que l’atelier - de deux heures seulement – ait transformé ses participants en de véritables “Wikipédiens” ni qu’il ait convaincu des nouveaux de s’y mettre, tant le public présent était déjà averti. Mais il permet déjà une première sensibilisation et de créer des passerelles entre administrations pour répéter l’exercice. Le référent “logiciels libres” de la Dinum, Bastien Guerry, a d’ailleurs trouvé l’initiative pertinente.
“Pour toucher les agents, il faudrait aller les chercher dans leurs administrations plutôt que les faire venir”, explique celui dont la responsabilité est justement de de promouvoir l’usage et la contribution de l’administration aux communs numériques comme OpenSreetMap (cartographie), InfoClimat (base de données météo) ou encore Vikidia, la petite sœur de Wikipédia pensée pour et écrite par les 8-13 ans.
Le CNNum se dit d’ailleurs prêt à organiser de nouveaux ateliers, pour continuer son travail de sensibilisation grâce à la pratique. D’ici là, il espère montrer l’exemple avec l’adoption en interne de nouveaux outils libres : en remplaçant YouTube par PeerTube, Google Maps par uMap, et en ouvrant un agenda ouvert sur Framagenda.