Sommes-nous bien informés ?

Sommes-nous bien informés ? ✦ Mais aussi : Bluesky s’ouvre à la modération ; Reprendre la main sur l’IA ? « It’s not too late » - Les réseaux sociaux au service de l’éducation à la sexualité ? - Le télétravail est mort, vive le travail hybride ?

Bonjour, nous sommes vendredi 22 mars 2024 et voici votre moment pour prendre le temps d’interroger notre relation au numérique. Cette semaine, un focus sur notre rapport à l’information à travers les études de l’Arcom, de Next Gen news et le baromètre de l’esprit critique. Bruno Schmutz, de la direction des études, de l'économie et de la prospective de l’Arcom nous partage son analyse. Bonne lecture et n'hésitez pas à répondre à ce mail si vous souhaitez échanger ou à le partager !

💡 La question de la semaine

Visuel d'illustration - cénum #76

Sommes-nous bien informés ?

👀 Le regard de Bruno Schmutz, de la direction des études, de l'économie et de la prospective de l’Arcom

Les Français entretiennent un lien étroit avec l’information. 94% se déclarent intéressés par l’information et autant s’informent quotidiennement. L'étude de l'Arcom révèle que les Français se sentent bien informés sur les sujets qui les intéressent. Ils s’informent pour se relier au réel (comprendre le monde) et aux autres (débattre, discuter), afin de se forger une opinion. Si la surcharge d’informations conduit une majorité d’entre eux à adopter des comportements d’évitement, la tendance générale est à s’informer davantage, portée par une actualité dense et le besoin de diversifier les sources. L’expansion des réseaux sociaux et plateformes de vidéo a facilité et démultiplié l’accès direct des Français à l’information. Pourtant, les médias éditorialisés – notamment la télévision et la radio - restent aujourd’hui encore les plus fréquentés. Les Français ne sont pas dupes des risques associés aux réseaux sociaux (désinformation, haine en ligne), et manifestent à leur égard de fortes craintes, sans pour autant être toujours capables de s’en protéger.


Parmi les 94 % des Français qui s'informent tous les jours, 49 % le font via les moteurs de recherche et 47 % via les réseaux sociaux, d’après l'étude publiée la semaine dernière par l'Arcom “les Français et l’information”. Plus spécifiquement sur les réseaux sociaux et d’après l’Arcom toujours, 86 % des Français déclarent savoir que les informations qu’ils y reçoivent dépendent de ce qu’ils ont consulté ou aimé précédemment. Cependant, les résultats présentés par Marianne Lumeau et Stéphanie Peltier lors de la dernière journée d'étude de l’Arcom montrent aussi que les utilisateurs sont plutôt satisfaits de la curation algorithmique des contenus et valorisent le fait de recevoir des informations qui leur conviennent voire qui renforcent leurs préférences et convictions. En parallèle de quoi, l’étude de l’Arcom fait ressortir que seuls 20 % des Français craignent que s’informer sur les réseaux sociaux ne les conduisent à recevoir sans cesse des informations sur le même sujet. Enfin, d’après le baromètre de la confiance politique (Sciences Po et OpinionWay), les réseaux sociaux sont les organisations dans lesquelles les Français ont le moins confiance à seulement 16 % et seuls 28 % des répondants indiquent faire confiance aux médias. Et de fait, 53 % préfèrent que leurs informations soient sélectionnées par des journalistes plutôt que par voie algorithmique (étude Arcom).  

Par ailleurs, plus de 75 % de ceux qui sont intéressés par les sujets de société estiment être bien informés. Pour autant, sur les quatre questions d’actualité posées au panel, seuls 10 % des Français ont été en mesure de donner quatre bonnes réponses et plus de 30 % ont donné trois ou quatre réponses fausses. Le baromètre de l’esprit critique d'Universcience paru cette semaine montre aussi que 3 Français sur 4 estiment avoir un esprit critique. Pourtant, 60 % des Français déclarent adhérer à au moins une thèse complotiste d’après l’étude de l’Arcom. Cette situation pourrait tenir au fait que nous croyons être bien informés là où en réalité les choses sont plus incertaines. Cela pourrait être une invitation à l’humilité face à l’information. Ces résultats sonneraient alors comme l’invitation à accepter nos biais et nos limites, à les comprendre, à penser les intermédiaires de confiance et le rôle du collectif.

Avant la fin de la Semaine de la presse et des médias dans l'École, il importe donc d’insister toujours plus sur la nécessité de partager le plus largement possible les clefs de compréhension du processus de fabrication de l’information et de penser le travail collectif qui accompagne la diffusion et la réception de l’information. L’exploitation de nos biais cognitifs par les plateformes numériques, la dimension écosystémique de la circulation des (fausses) informations en ligne et la nécessité de recréer des chaînes d’information de confiance sont décrites en détail dans notre dossier Récits et contre-récits. Itinéraires des fausses informations en ligne. Rappelons enfin que la compréhension des phénomènes à l'œuvre, tout comme l’élaboration de l’information, est par essence collective. Elle ne peut résulter que d’une construction partagée des savoirs et de l’information : déploiement d’une culture numérique partagée, journalisme coopératif ou citoyen comme le proposent What the Fake , Bellingcat ou encore Lighthouse Reports Index, paramétrage des réseaux sociaux, curation opérée par des tiers de confiance, recommandations participatives… Les outils sont déjà sur la table, majoritairement portés par la société civile. À la puissance publique de s’en saisir.

 Pour aller plus loin

  • Des essentiels au Conseil ! Pour continuer à suivre le paysage de la mésinformation en ligne, nous ne pouvons que vous conseiller de vous abonner à Misinformation Monitor, la lettre d’information de NewsGuard et à suivre les publications de la Fondation Panoptykon.
  • Le rapport de l'OCDE Facts not fakes : lutter contre la désinformation et renforcer l'intégrité de l'information.
  • Comment naissent et se propagent les fausses informations ? La fabrique du mensonge, c’est une série France TV de 4 documentaires, qui décortique la circulation des fausses informations et étudie les méthodes de ses instigateurs.

 🔎 La veille du Conseil

  • La modération est ouverte sur Bluesky ! Grâce à Ozone, les utilisateurs de Bluesky vont pouvoir créer et gérer leurs propres services de modération indépendants. Cette évolution prolonge la capacité de tout un chacun de créer et proposer son propre algorithme de recommandation, configurable de manière très simplifiée notamment grâce à Skyfeed.
  • Le télétravail est mort, vive le travail hybride ? Malgré l'essor des possibilités offertes de télétravailler, deux tiers des employés à temps plein dans le monde ont travaillé cinq jours par semaine sur place en 2023, selon WFHResearch. Olga Kokshagina et Sabrina Schneider appellent dans The Conversation à adopter des approches de travail plus fluides qui peuvent permettre de nombreux avantages, sous couvert d’un soutien et d’un accompagnement apporté par l’organisation à ses employés.
  • Reprendre la main sur l’IA ? « It’s not too late » - La MIT Technological Review appelle à ne pas reproduire avec l'IA les erreurs que nous avons commises avec les réseaux sociaux. De nombreuses pistes à retrouver ici, qui font écho également à l’édito de Joelle Toledano datant de la semaine dernière.

📅 À vos agendas

Les réseaux sociaux au service de l’éducation à la sexualité ? Dans le cadre de notre cycle d’auditions sur l’éducation à la sexualité et en partenariat avec le certificat Égalité femmes-hommes de Sciences Po Po, nous organisons le 4 avril à 8h30 un 3e échange autour de la construction d’un espace d’informations et de dialogue en ligne au service de l’éducation à la sexualité. Inscriptions.

 ⏱️ En bref

 « Il faudrait faire en sorte que ce ne soit plus les plateformes qui aient le monopole des recommandations sur les réseaux sociaux. » Sur le plateau de 28 Minutes aux côtés de Najat Vallaud-Belkacem et de Michael Stora, Gilles Babinet a rappelé le caractère systémique des enjeux liés au temps d’écran et a évoqué le dégroupage des réseaux sociaux comme un moyen de reprendre la main. À écouter ici. ✦ En parlant d'interopérabilité, Editions Multimédi@ s’est penché sur notre visite à DG Connect de la European Commission à Bruxelles en février dernier, visite lors de laquelle  nous avons défendu une « vision ouverte, pour nous permettre de reprendre la main sur la construction de nos architectures sociales et les fonctionnalités essentielles des réseaux sociaux. » ✦ DMA : les Big Tech se mettent en conformité, mais le travail ne s’arrête pas là. Joëlle Toledano a répondu aux questions du podcast Cultures numériques de Siècle Digital. ✦ « La décentralisation du réseau social sert sa démocratisation » Jean Cattan invite dans Chut! Magazine à mettre en place une modération communautaire des réseaux sociaux.

 Merci pour votre lecture et à la semaine prochaine !

👋 Avant de partir

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Comme d’habitude, n’hésitez pas à nous faire vos retours. Nous faisons évoluer petit à petit le format de notre lettre d’information. Vous avez des questions, des remarques ou des suggestions ou vous souhaitez que nous abordions un sujet en particulier ? Nous sommes à votre écoute ! N’hésitez pas à répondre à ce mail ou à nous écrire à info@cnnumerique.fr

Cette lettre d’information a été réalisée par Joséphine Hurstel et Gabriel Ertlé, illustrée (et améliorée !) par Magali Jacquemet et relue par Jean Cattan et Agathe Bougon.

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