IA et formation continue : intervention auprès du Garf de Paris

Le 7 mars, Olga Kokshagina, Agathe Bougon et Joséphine Hurstel sont intervenues auprès du GARF de Paris autour de l’intelligence artificielle et la formation. Que veut dire être expert de l’IA ? Comment parler de l’IA en entreprise ? Retour sur ces riches échanges.
 

Suite à la proposition du Conseil d’intervenir gratuitement auprès d’entreprises ou de regroupement d’entreprises pour animer des échanges à propos d’outils numériques, Olga Kokshagina, Agathe Bougon et Joséphine Hurstel sont intervenus auprès du GARF (Groupement des acteurs et responsables de la formation) de Paris* autour du thème “l'intelligence artificielle, le numérique, quel est notre rapport à ces évolutions ?”. 

Changer l’approche du numérique au travail

Cet échange a dans un premier temps été l’occasion de présenter nos travaux sur les interactions entre humains et machines au travail ainsi que ceux menés dans le cadre du Conseil national de la refondation dédié aux transitions numériques de travail. Nous en tirons quatre convictions socles :

  1. Il existe une variété de situations de travail et d’appropriation des outils numériques. En fonction de son secteur d’activité, de son poste, de son échelon hiérarchique, de sa formation, de son âge ou encore de son lieu de vie, notre connaissance et notre capacité à nous approprier les outils numériques varie fortement. Cette pluralité des situations doit s’accompagner d’une pluralité de solutions prenant en considération les spécificités de chaque contexte d’activité et des équipes. 
  2. L’IA induit un changement managérial, culturel et structurel. En un sens, l’IA prolonge les révolutions technologiques antérieures : peur de la disparition du travail humain, accélération des cadences, obsolescence des compétences… Elle pose des questions importantes, mais qui ne doivent pas occulter les autres transformations induites par cet outil : nouvelles formes d’échanges et d’apprentissage entre pairs, outils d’exploration, supports de débat… L’IA accélère le besoin de passer d’une révolution technologique à une révolution managériale.
  3. Le déploiement de l’IA doit s’accompagner de garde-fous. Les études se succèdent pour rapporter que la majorité des salariés utilisent les outils d’IA comme ChatGPT sans informer leur hiérarchie. Pourtant, ces usages peuvent présenter des risques pour les données de l’entreprise et, à l'inverse, le partage de ces usages peut être l’opportunité de partager des bonnes pratiques permettant à tous de gagner du temps, d’être plus efficace dans son travail, de découvrir de nouveaux outils, etc. De fait, ces outils doivent faire l’objet d’un dialogue ouvert et permanent avec l’ensemble des parties prenantes.
  4. Il faut parler du numérique en entreprise. Pour pouvoir profiter pleinement des potentialités des outils d’IA, cette transition doit être accompagnée. En premier lieu, il est indispensable de déployer une culture numérique partagée pour comprendre ces dispositifs. Il faut également être à l’écoute des émotions fortes qui entourent ces sujets, en particulier face à un traitement médiatique particulièrement anxiogène. Enfin, Il est nécessaire d’adopter une approche au plus près des pratiques et des besoins des collaborateurs et toujours s’interroger sur le “pourquoi” de l’intégration d’un nouvel outil d’IA en entreprise.

L'intelligence artificielle suscite souvent des craintes au sein des entreprises. Il est donc crucial d'impliquer tous les travailleurs, pas seulement les utilisateurs fréquents, dans la compréhension de ces outils afin de les démystifier. Ceci tout en adoptant une écoute active des émotions qu'ils peuvent provoquer. Les collaborateurs les plus engagés et proactifs peuvent agir en tant qu'ambassadeurs auprès de ceux qui sont réticents ou moins informés. Néanmoins, il est essentiel de questionner constamment la technologie : comment s'insère-t-elle dans la stratégie globale de l'entreprise ? Pour quelles raisons ? Correspond-elle véritablement aux besoins et aux méthodes de travail des équipes ? Comment les équipes peuvent-elles mieux l'utiliser ?
Olga Kokshagina, enseignante-chercheuse en management de l'innovation à EDHEC Business School et membre du Conseil.

Former et se former à l’IA, qu’est-ce que ça signifie ? 

Quel impact sur la formation et sur les métiers de la formation ? Premièrement, l’IA interroge le sens même de l’expertise : qu’est-ce que cela signifie d’être expert d’un outil apprenant et dont les évolutions techniques sont donc permanentes ? Comment former à un tel outil, que ce soit à l’école ou en entreprise ? Quel est le rôle de l’employeur, du formateur et du formé ? Comment se former quand on est en charge de la formation ? Pour les acteurs de la formation, ces outils sont aussi une invitation à expérimenter continuellement pour connaître les outils existants et leurs fonctionnalités et partager avec les collaborateurs les meilleures pratiques ainsi que les risques éventuels ; mais aussi à dialoguer avec leur hiérarchie, leurs collaborateurs et leurs pairs. L’échange auprès du Garf a montré qu’autour de la table chacun avait des usages différents et riches d’enseignement pour les autres.

Enfin, les transformations véhiculées par l’IA transforment et renforcent même le métier de formateur. Comment changer l’approche des outils numériques tout en continuant à répondre aux besoins exprimés des salariés ? Comment embarquer les managers et la direction ? Les discussions ont amené à décentrer l’enjeu : plus que de tenter de définir l’usage d’une IA pour telle ou telle profession au sein d’une organisation, il s’agit d’interroger cette profession au sein de l’organisation et des usages qu’elle pourrait faire d’une IA par exemple. Une opportunité par ailleurs de renforcer la culture d’entreprise et l’être ensemble.

Tout ceci doit converger vers un objectif clé : rendre les salariés acteurs de leurs usages numériques au travail. Ceci passe d’abord par l’information : dans de nombreux cas, les outils d’IA au travail ne sont pas perçus comme tels. Il faut visibiliser ces outils, ce à quoi le registre des outils d’IA proposé dans le cadre du CNR dédié aux transitions numériques de travail peut répondre. Cela passe aussi par l’écoute permanente de leurs besoins, par exemple en consultant les travailleurs le plus en amont possible dans la conception et le déploiement des outils ou en mettant en place un dispositif de remontée continue d’informations sur la façon dont les travailleurs vivent leur relation aux outils numériques et sur leurs besoins de formation. Plus globalement, cette nécessaire reconfiguration du lien social exige un changement d’approche qui doit être soutenu par une politique interne forte autant que des expérimentations qui sont autant de discours de preuve. Un glissement de la formation à l’accompagnement au changement en somme.

Un grand merci au GARF pour cette invitation et nos échanges particulièrement riches et inspirants ! Si vous êtes intéressés pour échanger sur ces sujet et en savoir plus sur les interventions auprès des entreprises du Conseil, n’hésitez pas à contacter Agathe Bougon (agathe.bougon@cnnumerique.fr) et Joséphine Hurstel (josephine.hurstel@cnnumerique.fr). 

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* Qu’est-ce que le GARF ?
Le Groupement des acteurs et responsables de la formation (GARF) est une association loi 1901 réunissant 500 adhérents, en provenance des entreprises, des branches professionnelles, des financeurs et du monde académique, répartis en groupes régionaux sur toute la France. C’est aussi une plateforme d’échange avec des newsletters, webinaires et un conseil juridique propre.

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