Mais dis-moi Jamy, c’est quoi l’IA ?

Et aussi : l’IA générative au travail mise en lumière par France Info ✦ Vers une IA frugale ? ✦ Vous avez entre 16 et 25 ans et vous voulez rendre les réseaux sociaux plus démocratiques ? People vs. Big Tech a quelque chose pour vous !

Bonjour, nous sommes le vendredi 12 juillet 2024 et voici votre moment pour prendre le temps d’interroger notre relation au numérique. Vulgarisation, médiation, aller-vers… Cette semaine, nous nous intéressons aux différents modes d’appropriation collective de la science et de la technologie. Bonne lecture !

💡 La question de la semaine : Mais dis-moi Jamy, c’est quoi l’IA ?

Que ce soit devant le camion de l'émission C’est pas sorcier ! ou au détour des couloirs d’un musée, sur la chaîne d’un vidéaste ou au contact d’une association de science participative, nous avons probablement tous en tête un moment où une question scientifique ou technique nous a été présentée de sorte à nous la rendre plus familière, plus accessible.

Ces moments peuvent être de natures très variées et répondre à différents types d’exercice. Dans un article paru en 2010, Bernadette Bensaude-Vincent revenait sur la « splendeur et décadence de la vulgarisation scientifique », des premiers mouvements de science populaire jusqu’à la consécration de la médiation scientifique et au mouvement de démocratisation des sciences. Pour la philosophe et histoire des sciences, il n’y a pas une manière unique et linéaire d’imaginer les ponts (et les barrières) construits entre science et public, mais au contraire des mouvements variés, qui coexistent et se réinventent en permanence.

De nouveaux formats ont ainsi émergé, en particulier via des plateformes vidéo. On pense notamment au vulgarisateur scientifique Docteur Nozman, aux analyses et aux expérimentations de Micode et d’Amy Plant, ou encore à Vortex, la chaîne de vulgarisation scientifique d’Arte. Sur YouTube, cette chaîne fait collaborer vidéastes scientifiques et artistes pour faire « tomber les barrières du vocabulaire, de la rigueur et des connaissances théoriques pour rendre les sciences accessibles au plus grand nombre en l’abordant sous l’angle inédit de leur transversalité. » La prolifération des podcasts témoigne elle aussi du renouvellement permanent de ces activités, ainsi que le signale Monica Baur. Dans un article intitulé « les contenus culturels et scientifiques dans les vidéos Youtube et les podcasts », elle interroge les manières dont les producteurs de contenus interagissent avec leurs publics et revient sur le « débat de termes entre vulgarisation et médiation. » Tandis que la vulgarisation renvoie à un mouvement descendant et à sens unique, la médiation fait état d’un mouvement à double sens, « permettant également de faire remonter des interrogations, commentaires, critiques, des profanes aux experts », une opposition de termes nuancée par la « culture horizontale et participative » d’Internet. Au-delà des considérations sémantiques, cette typologie amène à s’interroger sur la manière dont se construit cette interaction entre la science, les citoyens et d’éventuels médiateurs, ainsi que le rôle de ces derniers, notamment au sujet de l’intelligence artificielle.

Mille et une façons de construire l’interaction

Partout en France, des structures de médiation scientifique, culturelle et numérique cherchent à partager chaque jour des clés de compréhension et d'appropriation des technologies. Comme le rappellent Nicolas Roussel, directeur du centre Inria de l’Université de Bordeaux, et Raphaël Dupin, directeur de Cap Sciences, un centre de culture technique et industriel situé à Bordeaux : « Le premier message à faire passer, c’est « il faut vous y intéresser », et pour ça, pas besoin d’être spécialiste du sujet. »

Pour y parvenir, de nombreuses modalités sont proposées : expositions, conférences ouvertes au grand public, animation de débats avec des jeunes en milieu scolaire ou périscolaire, investissement de l’espace public à travers un faux stand de presse installé sur un marché ou un porteur de parole… autant de formats de dissémination de la connaissance qui permettent de jeter des ponts entre la recherche et les citoyens. Cet investissement de la sphère publique passe également par le champ numérique, et en particulier les réseaux sociaux, dont les acteurs engagés cherchent à s’approprier les codes. Ainsi, Cap Sciences dispose de son propre média en ligne, Curieux, qui, pour toucher un large public, propose des vidéos de quelques minutes. Pour Raphaël Dupin, « l’idée étant toujours d’intéresser, et d’éveiller la curiosité pour donner envie d’aller plus loin. »

Ces structures peuvent également engager des logiques d’aller-vers, en se projetant dans leur environnement géographique plus ou moins proche. Ainsi, la Maison de l’Intelligence Artificielle de Sophia Antipolis organise des rencontres dans l’ensemble des collèges des Alpes-Maritimes. Isabelle Galy, sa directrice, est revenue dans un entretien sur les critères de succès de ces démarches : éviter les silos, mélanger les publics et proposer des rencontres sur place en adaptant chaque format au public ciblé. Cette dynamique de partage et de dialogue mobilise évidemment le foisonnant réseau de structures d'éducation populaire qui maillent le territoire. En Gironde, par exemple, la fédération départementale de la Ligue de l’enseignement a proposé des cafés-débat pour permettre aux jeunes, à leurs parents, aux séniors… de venir converser des perspectives ouvertes par l’intelligence artificielle, et des craintes qu’elles soulèvent. Un dispositif permettant, là encore, de faire le pont avec des structures de recherche et d’ouvrir un véritable dialogue dans lequel les interrogations des citoyens ont toute leur place.

Café IA : une conversation permanente sur l’intelligence artificielle

C’est dans cette même perspective que Nicolas Roussel a animé, jeudi 20 juin 2024, un premier Café IA organisé à Bordeaux, en partenariat avec la métropole, et qui a réuni pendant plus de deux heures médiateurs, élus et citoyens pour comprendre le fonctionnement de l’intelligence artificielle et s’interroger sur sa (re)prise en main par la société et la collectivité. De même, l’association Loir et Cher Tech a réuni plusieurs communautés en mai et en juin, Valérie Plier et Alix Mansueto organisent des échanges conviviaux autour de l’IA au sein du ministère des Armées, l’association Latitudes propose un outil ludique permettant d’ouvrir la conversation, le Lab Archipel met à disposition, à travers le dispositif DATAculturation, un kit permettant à chacun de parler de données à ses collègues...

La diversité des formats qui permettent déjà de faire vivre Café IA à l’impulsion des acteurs de terrain témoigne de la poursuite d’une évolution dans le rapport que nous entretenons collectivement avec la science et la recherche. Acteurs académiques et médiateurs de terrain s’engagent dans un mouvement plus diffus autour d’une science construite, partagée et comprise par tous, soutenue par un dialogue permanent entre chercheurs et citoyens : une véritable mise en débat du numérique.

🚚 Et pour les plus curieux, nous n’avons pas retrouvé d’émissions C’est pas Sorcier ! sur l’intelligence artificielle, si ce n’est cet épisode sur les robots datant de 1998. En revanche, le média L’Esprit sorcier, fondé notamment par Frédéric Courant (Fred), dédie de nombreux épisodes aux enjeux liés à cette technologie.

🎨 Des Cafés animations pour se rencontrer

  • Le 18 juillet, Nicolas Roussel, directeur du centre Inria de l'Université de Bordeaux, reviendra notamment sur le Café IA organisé le 20 juin à Bordeaux avec Inria et Bordeaux Métropole.
  • Le 12 septembre, Lucie Termignon proposera de tester collectivement une arène comparative d’IA, un bon moyen d’amorcer le débat et le partage de connaissances.

🗓️ Inscrivez-vous ici pour participer à ces deux échanges. De nombreux autres sont prévus, nous vous partagerons les dates de ces espaces de dialogues très prochainement !

🔎 La veille du Conseil

L’IA générative au travail mise en lumière sur France Info. Cet été, la chaîne de radio a choisi d’axer son podcast C’est mon boulot, présenté par Sarah Lemoine, autour des enjeux de l’introduction des outils d’IA génératives dans les milieux professionnels. Les deux premiers épisodes reviennent sur le rapport d’un chef d’entreprise et d’un professeur avec l’IA générative dans le cadre de leurs fonctions, sur la manière dont ils se sont adaptés aux changements qu’elle induit sur leur lieu de travail, leurs modes de travail et la façon de faire collectif. Tandis que le premier explique avoir toujours vu l’IA avec un certain intérêt malgré ses hésitations à l’utiliser, le second décrit plutôt une « angoisse » à l’arrivée de cet outil en classe. Les méthodes d’adaptation diffèrent également, allant de la formation en entreprise à l’organisation de cours dédiés à l’intégrité académique et à la révision des dispositifs d’évaluation. Nous avons hâte d’écouter les prochains épisodes !

Vers une IA frugale ? Le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, le laboratoire Écolab du Commissariat général au développement durable et l’Agence française de la normalisation ont publié leur référentiel général pour l’IA frugale. Ce document d’une centaine de pages détermine des lignes directrices pour réduire l’impact environnemental de l’IA et propose à la fois une méthode de calcul des émissions de gaz à effet de serre de ces technologies, des bonnes pratiques à adopter pour les limiter, et enfin des manières de communiquer sur les indices environnementaux ainsi développés. En parallèle, le rapport environnemental annuel de Google publié le 2 juillet fait état d’une augmentation de 48 % de ses émissions de gaz à effet de serre depuis 2019, montrant ainsi que la frugalité de l’IA est un enjeu clé pour les années à venir.

Vous avez entre 16 et 25 ans et vous voulez rendre les réseaux sociaux plus démocratiques ? N’hésitez pas à postuler à l’offre de People vs. Big Tech. Les participants sélectionnés auront l'opportunité de collaborer pendant 3 jours avec des experts européens de la régulation des réseaux sociaux, des réalisateurs de film et des artistes pour concevoir ensemble une campagne à destination des décideurs européens. Vous souhaitez en être ? Envoyez vos candidatures avant le 17 juillet.

📬 Vous avez lu un article, écouté un podcast ou regardé une vidéo que vous souhaitez nous partager ? Ecrivez-nous à info@cnnumerique.fr 👋

🗃️ Le Conseil recrute !

Suite aux annonces relatives à Café IA, nous publions quatre fiches de poste (pour interne ou externe, contractuel ou fonctionnaire :

Si vous êtes intéressés, n’hésitez pas à postuler en passant par Passerelles et donc les adresses ci-dessus.

Nous cherchons aussi une personne qui pourrait prendre la main sur la construction d'un commun de la connaissance sur l'IA d'ici à la fin de l'année et plus si affinité. Si vous connaissez du monde ou êtes intéressé, n'hésitez pas: recrutement@cnnumerique.fr.

🏃 En bref... Le reste de l’actualité du Conseil en 1 minute chrono !

« L’IA sera une opportunité exceptionnelle pour toutes et tous à une condition essentielle : le maintien de nos démocraties. » Invitée des rencontres économiques d’Aix-en-Provence, Tatiana Jama a souligné l'importance de réussir à éduquer sur le fonctionnement des algorithmes et les bulles informationnelles qu'ils créent, à travers des démarches comme Café IA. ✦ « Il faut absolument que les territoires s’emparent de cette technologie, à la fois pour la transition et pour leur relation avec les citoyens. » Gilles Babinet s’est entretenu avec Paroles d’élus qui dédie un article à Café IA, insistant sur l’importance de l’échelon local dans le dispositif. ✦ « Tout n’est pas joué mais il faut donner envie d’aller vers un numérique perfor­mant, innovateur, au service du bien commun et souverain. » Joëlle Toledano a partagé sa vision des politiques d’investissement dans le numérique dans une interview publiée dans le Rapport d'activité 2023 du Secrétariat général pour l’investissement en charge de France 2030. ✦ L’IA face à la démocratie : comment agir contre la désinformation en ligne ? Alors que 51% de la population mondiale est appelée aux urnes cette année, les services culturels français de Corée du Sud, du Japon et de Taïwan ont entamé le 2 avril un cycle de rencontres autour de l’IA et de la citoyenneté, auquel Rahaf Harfoush et Adrien Basdevant ont pu participer. À lire dans Usbek & Rica.

Merci pour votre lecture et à la semaine prochaine !

👋 Avant de partir

Vous avez apprécié la lettre d’information de cette semaine ? Partagez-la avec un ami ou un collègue. Ils peuvent s’inscrire ici.

Comme d’habitude, n’hésitez pas à nous faire vos retours. Vous avez des questions, des remarques ou des suggestions ou vous souhaitez que nous abordions un sujet en particulier ? Nous sommes à votre écoute ! n’hésitez pas à nous écrire à info@cnnumerique.fr

Cette lettre d’information a été préparée par Jean-Baptiste Manenti, Zora Decoust et Gabriel Ertlé, illustrée par Magali Jacquemet et réalisée avec le soutien de Joséphine Hurstel et Jean Cattan.

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