Objet de la réunion : Parlons IA autour d’un café
Mais aussi les résultats de la Commission enfants-écrans, les Français face à l’IA, mais qui est Albert ?, dématérialisation des services publics et droits sociaux, et le premier Café IA.
Bonjour, nous sommes le 3 mai 2024 et voici votre moment pour prendre le temps d’interroger notre relation au numérique. En cette semaine de fête du Travail, on parle du dialogue social technologique : pourquoi c’est important et quelles expérimentations ont été menées récemment. Bonne lecture et n'hésitez pas à répondre à ce mail si vous souhaitez échanger ou le partager !
💡 Objet de la réunion : Parlons IA autour d’un café
68 % des Français utilisent des outils d’IA générative en entreprise sans en informer leur supérieur hiérarchique. Peut-être en faites-vous partie. D’un côté, ces outils sont des vecteurs indéniables de gains de temps et d’idées. Mais, leur usage en entreprise est bien souvent tabou, notamment envers son manager : est-ce que cet usage serait perçu comme le signe d’un manque de compétence ou même de fainéantise ? Ai-je le droit d’utiliser ces outils ? Mon poste va-t-il être supprimé si l’on se rend compte que l’IA est capable de faire comme moi voire mieux que moi ? Entre stratégie d’optimisation des performances de la direction et expérimentation par les travailleurs, il existe souvent un décalage entre les intentions à l’introduction de ces technologies et leur mise en œuvre effective.
Et si on prenait le temps de parler de nos outils numériques au travail ? Et si les collaborateurs échangeaient entre eux de leurs usages de l’IA pour partager leurs bonnes pratiques et gagner collectivement en efficacité, en qualité, en créativité ? Et si les managers étaient formés et incités à accompagner, écouter et former leurs équipes à ces outils pour en tirer parti tout en restant lucides sur leurs risques et limites ? Et si les collaborateurs et les partenaires sociaux étaient impliqués dans les choix des nouveaux outils technologiques ? La Commission de l’intelligence artificielle installée en août 2023 a remis le mois dernier son rapport au Président de la République. Sa troisième recommandation invite à “faire du dialogue social et professionnel un outil de co-construction des usages et de régulation des risques des systèmes d’IA”. Des expérimentations sont déjà en cours en ce sens. L’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (Anact) vient de clôturer son appel à manifestation d’intérêt sur le dialogue social technologique lancé en 2022. L’occasion de revenir sur des méthodologies éprouvées sur le terrain pour dialoguer autour des outils numériques de travail, comme les projets ISIDOR ou DIALIA, auquel le Conseil est associé.
Dialoguer autour des outils numériques au travail impose de repenser à la fois les personnes associées et la temporalité des échanges. Au-delà des équipes, de leurs managers et de leurs représentants, les outils d’IA élargissent le champ des parties prenantes : développeurs, prestataires, distributeurs, clients, collaborateurs non-usagers… Ces outils étant par nature apprenants en fonction des données qu’ils recueillent en entrée, ils évoluent aussi tout au long de leur cycle de vie et d’usage en entreprise. Le dialogue doit donc avoir lieu de façon périodique et régulière, et non au seul moment de leur introduction. Enfin, face à l’opacité de ces systèmes, il est indispensable d’accompagner les collaborateurs en diffusant une culture numérique commune pour les mettre en capacité de comprendre les technologies qu’ils utilisent au quotidien, leur fonctionnement et leurs limites. Un socle de base également nécessaire car ces nouvelles technologies interrogent également le rôle de l’employeur comme formateur. Peut-on réellement se former à l’IA ou faudrait-il mieux apprendre à faire réseau, à expérimenter, à être accompagné différemment ? Dans ce contexte, plus question de dispenser un B.A.BA de l’outil clé en main. L’employeur propose un cadre de confiance pour tester des outils, implémente une culture du changement, de l’apprentissage et du partage et encourage les salariés à s’approprier ces outils.
Dans un quotidien professionnel de plus en plus intermédié par les machines et les écrans où le numérique reconfigure nos liens sociaux, l’IA comme outil autant que comme moment peut servir de support à de nouveaux formats d’échanges collectifs dans lesquels les travailleurs reprennent une place active dans la conception et le déploiement des outils qui les concernent. Pas question d’être seul derrière son écran passant d’une slide à un test, on expérimente et on débriefe en équipe. Le manager de proximité a donc un rôle crucial à jouer. Soyons opportunistes, penser le dialogue social technologique au sein de l’entreprise constitue aussi une opportunité conséquente pour réinventer ou renforcer une culture d’entreprise ou interroger des pratiques métiers, au prétexte d’une discussion autour de l’IA. Et c’est un exercice auquel nous nous sommes prêtés au secrétariat général du Conseil, que nous ne pouvons que vous recommander de tester !
👀 LE REGARD DE Vincent Mandinaud, sociologue, chargé de mission au sein de l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (Anact), notamment chef de projet "Transition numérique et condition de travail" et pilote du Plan Santé au Travail sur le dialogue social et le dialogue professionnel associé à la transformation numérique des entreprises.
Le dialogue social technologique renvoie à la capacité des organisations à permettre à leurs salariés, à travers leurs représentants, de délibérer sur les transformations du travail dans un contexte de transformation numérique. Cette forme de dialogue s’avère aujourd’hui à la fois nécessaire et balbutiante. Nécessaire car le développement des technologies numériques en général, et les systèmes qui fonctionnent à base d’IA en particulier, impose de réguler leur déploiement dans les organisations pour garantir que ces derniers soutiennent pratiquement la performance collective et la qualité du travail, mais aussi qu’il améliore concrètement les conditions de travail. Balbutiante car l’atteinte de ces objectifs suppose d’être en mesure d’instruire collectivement des orientations stratégiques, de construire et de mettre en œuvre conjointement des protocoles d’expérimentation et d’évaluation de cadres d’usages, en prises avec les réalités du travail réel, et pas seulement du travail prescrit ; ce qui est encore trop peu souvent le cas.
Pour aller plus loin :
Qui utilise l’IA au travail ? Pourquoi ? Avec quels freins et quels impacts ? Voilà les questions explorées par le LaborIA dans son premier rapport d’enquête. Résultat notable : il existe un écart de perception significatif des systèmes d’IA par les utilisateurs et les non-utilisateurs. 96 % des utilisateurs estiment que l’IA a eu un impact positif sur leur travail alors que la moitié des non-utilisateurs estiment que l’IA n’aura aucun impact voire un impact négatif sur leur travail, leur métier ou leur secteur d’activité. Yann Ferguson, directeur scientifique du LaborIA, décrypte pour Philonomist les usages d’outils d’IA générative par trois professionnels.
Comment appréhender l’IA au prisme du dialogue social ? Le projet européen SECOIA Deal s’est penché durant deux ans sur cette question afin de comprendre comment l’IA modifie la production de la valeur et fait évoluer les métiers et les compétences, en quoi ces changements entraînent une nécessaire évolution de la négociation collective et comment celle-ci pourrait être repensée. Il en ressort 13 recommandations et propositions d’outils opérationnels pour accompagner ces nouvelles formes de dialogue social à l’ère de l’IA.
Comment former à l’IA ? Le Conseil est intervenu au début du mois de mars auprès du Groupement des acteurs et responsables de la formation de Paris. L’occasion de revenir sur ce que signifie être expert de l’IA et à l’ère de l’IA, sur les façons d’expérimenter collectivement ces outils et l’importance d’organiser des temps d’échange collectifs.
Si vous souhaitez organiser des temps d’échange avec vos collaborateurs autour de vos outils numériques de travail, le Conseil peut vous accompagner. N’hésitez pas à écrire à agathe.bougon@cnnumerique.fr ou à josephine.hurstel@cnnumerique.fr.
🔎 La veille du Conseil
À la recherche du temps perdu. C’est le titre du rapport remis par la Commission Enfants et Écrans installée mi-janvier 2024 par le président de la République et qui a planchée trois mois sur le sujet, auditionnant plus d’une centaine d’experts et 150 jeunes. La Commission dresse un état des lieux extensif des résultats de la recherche quant aux effets des écrans sur les jeunes publics. Si les écrans sont omniprésents dans la vue des enfants et qu’un consensus se dégage quant à leurs effets sur plusieurs aspects de leur santé, notamment le sommeil, la sédentarité, les problèmes de vue etc, de nombreuses interrogations restent sans réponse, notamment en ce qui concerne les effets sur le neurodéveloppement des enfants et adolescents. La Commission souligne également que “la question des « écrans » ne [doit] pas masquer le débat plus large, et ô combien nécessaire, de la place, dans notre société vieillissante, des enfants et des adolescents, qui s’invisibilisent”. Ainsi, “à une approche qui ciblerait le seul binôme enfants–écrans, il faut donc préférer une réponse collective”. La Commission dresse 29 propositions réparties en 6 axes. Elle recommande notamment de s’attaquer aux conceptions addictogènes et enfermantes de certains services numériques afin de redonner du choix aux jeunes.
Si nous ne pouvons que vous conseiller la lecture de cette publication majeure, pour celles et ceux qui souhaiteraient un résumé, La Voix du Nord a publié un article truffé d’infographies reprenant les principales conclusions de la mission.
Cette publication fait écho à un débat connexe outre-atlantique suite à la publication de l’ouvrage The Anxious Generation de Jonathan Haidt dans lequel l’auteur établit un lien entre l’exposition aux écrans et la santé mentale dégradée des adolescents. Dans la newsletter Platformer (que nous vous recommandons chaudement), Zoë Schiffer revient sur l’état de la recherche à ce sujet qui dresse un panorama bien plus nuancé que cet ouvrage et met en lumière un manque criant de données quant aux effets causaux des écrans sur notre santé. C’est également le sujet du dernier épisode du podcast The Present Age qui recevait Siva Vaidhyanathan, à écouter (en anglais) ici.
La France, deuxième pays le plus inquiet concernant l’IA générative. C’est le résultat d’un nouveau rapport réalisé par le Boston Consulting Group (BCG) après l’analyse d’une vingtaine de pays à travers le monde et résumé par le Siècle Digital. 58 % des Français se disent “enthousiastes” à l’idée d’intégrer ces outils dans leur travail, contre une moyenne mondiale de 70 % et 30 % des employés français se disent “préoccupés” de l’usage de l’IAG au travail contre, par exemple, 7 % en Chine et 11 % en Inde. Conclusion du rapport : il est indispensable de répondre à ces inquiétudes et de bâtir la confiance des utilisateurs, par exemple en matière de sécurisation des données, de transparence et de démarche d’IA responsable.
Mais qui est Albert ? Vous avez peut-être entendu parlé d’Albert, le chatbot de l’administration française annoncé la semaine dernière. Pour en savoir plus sur cet outil, ce qu’il permet de faire, en quoi est-ce qu’il est souverain et quand espèce qu’il sera déployé, Numerama nous éclaire en 4 questions.
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🏃 EN BREF ... Le reste de l’actualité du Conseil en 1 minute chrono !
Quels sont les impacts de la dématérialisation des services publics sur les demandeurs et demandeuses de droits sociaux ? Suite à 50e édition du cycle de rencontre ASDN, Clara Deville revient en 4 questions sur son ouvrage “L’État social à distance”. ✦ Le numérique c’est politique ? En mars, le Conseil était invité par le Sicoval à l’occasion de sa Semaine du Numérique Responsable à la rencontre d’élus mais aussi de volontaires de services civiques et de la préfecture de Toulouse. Retour d’expérience. ✦ Anne Alombert signe pour AOC un article sur la démocratie à l’épreuve de l’IA (réservé aux abonnés) et co-organise un colloque international le 27 mai prochain à l’Université Paris 8. ✦ Prolétaires de toutes les plateformes, unissez-vous ? Dans le dernier épisode de TrenchTech, Anne Alombert interroge ce que la transformation numérique de nos sociétés fait à nos capacités mentales et sociales ✦ « Il y a un vrai enjeu de pollution cognitive qui devient très préoccupant pour les jeunes. » Gilles Babinet réagissait au micro de France Info à la décision de TikTok de suspendre une fonction de sa nouvelle application TikTok Lite, qui visait à récompenser les utilisateurs pour le temps passé devant les écrans ✦ Gilles Babinet était l’invité du tête-à-tête de Planète Info (à partir de 48:55) le 29 avril pour présenter son livre Green AI (Odile Jacob) et participera également le 29 mai au salon de l’Association des maires d’Île-de-France autour des opportunités de l’IA pour l’action publique. Informations et inscriptions ici. ✦ « Le problème du démantèlement est qu’il s’agit d’un mot fourre-tout, et qu’on ne précise pas vraiment son contenu ». Dans Alternatives Économiques, Joëlle Toledano revient sur les défis auxquels font face la régulation des grandes plateformes. Joëlle Toledano rejoint également le nouveau Conseil d'orientation stratégique de L'Institut des Droits Fondamentaux Numériques (IDFRights) ✦ Dans le prolongement des annonces des recommandations de la Commission Enfants et Écrans, Jean Cattan était l’invité de France Info où il a invité à penser au-delà du temps d’écran pour interroger par exemple notre rapport au travail et notre organisation sociétale ✦ La région Centre Val-de-Loire organisait le 2 mai son premier Café IA en partenariat avec Loire-et-Cher Tech inspirée par le dispositif recommandé par le Conseil.
👋 Avant de partir
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Cette lettre d’information a été préparée par Joséphine Hurstel, avec le soutien de Gabriel Ertlé, illustrée et améliorée par Magali Jacquemet.