Café IA : pour un dispositif collectif d’appropriation de la technologie

La Commission IA a recommandé la mise en place d’un dispositif d’appropriation collective de la technologie intitulé “Café IA”. De la mise en réseau des acteurs au partage de ressources permettant de se construire une culture numérique : une approche soutenue et testée par le Conseil.

La Commission de l’intelligence artificielle a récemment remis au Président de la République un rapport intitulé “IA, notre ambition pour la France”. Fort de 25 recommandations, ce rapport soutient une mobilisation et un investissement massifs “pour faire de la France un pays à la pointe dans l’intelligence artificielle et pour que notre société en tire tous les bénéfices”.

La première des 25 propositions de la commission appelle à “créer les conditions d’une appropriation collective de l’IA et de ses enjeux afin de définir collectivement les conditions dans lesquelles elle s’insère dans notre société et nos vies quotidiennes.” La commission encourage à  investir dans des lieux du quotidien et recommande de créer de nombreux espaces d’échange à destination du public, également appelés “Cafés IA”. C’est un enjeu clé du Conseil national du numérique, qui découle des  enseignements recueillis au travers de plus de 100 rencontres effectuées à travers la démarche Itinéraires numériques. 100 rencontres de tous type : dans des écoles, des mairies, des Ehpad, en pied d’immeuble dans les cités, sur les places de village, dans des tiers-lieux, des médiathèques etc.

Renforcer les réseaux d’acteurs, rassembler les ressources, enrichir les politiques d’inclusion

Ces centaines d’échanges ont fait apparaître une première évidence : ce débat est non possible, mais de surcroît il passionne ; nombre de citoyennes et citoyens souhaitent mieux comprendre la civilisation numérique dans laquelle ils évoluent et faire entendre leur voix sur ce qu’elle représente dans leurs quotidiens.  Partout, ce débat est rendu possible par l’investissement quotidien de nombreux acteurs locaux, décidés à partager des clés de compréhension à leurs publics, mais qui témoignent parfois, face à une technologie qui évolue toujours plus rapidement, d’un besoin de ressources mieux qualifiées et d’un réseau plus structuré.

L’ouvrage Itinéraires numériques. Le temps du débat restitue le besoin de diffuser largement une culture numérique et de s’appuyer sur le maillage territorial des lieux, communautés et personnalités engagées sur ces questions, en appui sur la politique d’inclusion existante.

À Orgeval (Yvelines), des citoyens s’interrogent ainsi sur la possibilité que ces outils perturbent des métiers a priori éloignés du numérique, dans le secteur du bâtiment ou de la plomberie par exemple ; à Annecy (Haute-Savoie), des enseignants essayent de construire des séquences d’expérimentation et d’acculturation pour proposer à leurs élèves une première approche de ces technologies valorisant l’esprit critique ; à Saint-Germain-en-Laye (Hauts-de-Seine), des lycéens spécialisés dans le design découvre ce que l’on peut demander aux intelligences artificielles génératives… et ce qu’on ne peut pas leur demander ; à Floirac (Gironde), des adolescents se demandent s’il restera du travail lorsqu’ils seront adultes ; à Digne-les-Bains (Alpes-de-Haute-Provence), des médiateurs et conseillers numériques expérimentent et découvrent les limites et potentialités des outils d’intelligence artificielle génératives de texte et d’images.

Structures de médiation, établissements scolaires et universitaires, entreprises, tiers-lieux et associations d’éducation populaire… Autant d’espaces qui pourraient être mobilisés dans le déploiement d’un grand plan d’acculturation qui ambitionne de former massivement, et à tout âge, “des jeunes dans le temps scolaire et périscolaire, des étudiants spécialisés ou non, des salariés, des indépendants et des agents publics, des retraités”. Dans l’ouvrage Itinéraires numériques. Le temps du débat, paru en mai 2023, le Conseil appelait ainsi à la reconnaissance d’un service public pour une éducation populaire au numérique.     

L’expérimentation que constitue Itinéraires numériques et ses conclusions s'inscrivent au regard des avancées et dans la continuité des politiques d’inclusion numérique conduites cette année par l’agence nationale de la cohésion des Territoires. La feuille de route France Numérique Ensemble, issue du Conseil national de la refondation, détaille le besoin de soutenir les acteurs du secteur et de donner les moyens de comprendre. L'engagement 7 “Donner à chacun la possibilité de se former en ligne et de manière autonome.” pointe le besoin d’une politique d'apprentissage qui pourrait alors se fonder sur des temps d'échanges physiques mettant le pied à l'étrier, avant de proposer des dispositifs de formation existants et déjà très riches et nombreux. L’enjeu est en effet de s’appuyer sur la richesse des contenus existants, de soutenir les créateurs et avant toute chose de se mettre au service de ce qui font.

Gilles Babinet, co-président du Conseil national du numérique :

L’IA peut être un réel atout au sein des services publics, elle peut simplifier le rapport aux usagers, faciliter l’accès au droit » ; cependant la nature anthropomorphe de cette technologie, les inquiétudes qu’elle suscite, mais aussi son opacité et sa non-explicabilité structurelle font qu’elle ne pourra être largement être utilisée que si une culture collective de l’IA apparaît au sein de la société française, c’est aussi l’une des raisons qui militent en faveur de Café IA.

Léa Gislais, directrice du Programme Société numérique de l’ Agence nationale de la cohésion des territoires :

L'expérience nous a montré que le plein potentiel des technologies numériques pour stimuler la croissance et renforcer la cohésion sociale et territoriale n'est atteint que si des actions d'accompagnement les rendent largement accessibles. C’est cette conviction qui sous-tend la feuille de route France Numérique Ensemble. 30% des Français sont actuellement éloignés du numérique et, même parmi le public "connecté", nombre de nos concitoyens ne tirent pas pleinement profit du numérique faute d'en maîtriser la culture élémentaire. Faire de l'intelligence artificielle (IA) une opportunité pour tous nécessite de développer une compréhension partagée à travers des initiatives de proximité, en s'appuyant sur des structures de médiation bénéficiant d’un capital confiance de la part des usagers.

Relire la restitution de la démarche Itinéraires numériques. - mai 2023 Lire la feuille de route France Numérique ensemble - mai 2023

Dessiner les contours d’un dispositif d’envergure d’appropriation collective

Le passage à l’échelle et la généralisation de ces dispositifs de parole doit passer par une double mise en réseau, dont le Conseil a essayé de dessiner les contours sous l’impulsion de Gilles Babinet, son co-président, également membre de la commission de l’intelligence artificielle, qui évoquait dans une tribune publiée dans Les Échos (également disponible ici) le besoin de porter, en matière d’IA, “une vision politique pour le plus grand nombre, pour la couche du milieu, soit la très grande majorité de la population”.

Au niveau local, il s’agit de se mettre au service des nombreux acteurs engagés quotidiennement dans la médiation et l’accompagnement des Françaises et des Français vis-à-vis des outils numériques en les soutenant financièrement, en les valorisant, en accompagnant la mise en réseau et en leur fournissant les ressources utiles à l’exercice de leurs missions : médiateurs et acteurs associatifs, enseignants et chercheurs, agents et élus des collectivités territoriales, entrepreneurs, ingénieurs et informaticiens, journalistes… autant de lieux et personnes avec qui  parler de ce que le développement de l’intelligence artificielle nous fait quand on apprend, quand on travaille, quand on s’informe, quand on accompagne… Une gouvernance partagée et une animation d’acteurs locaux engagés dans ces questions qui est également un pilier de la territorialisation des feuilles de route France Numérique Ensemble.

Au niveau national, de nombreuses organisations publiques, de recherche, de la société civile etc se mobilisent également chaque jour pour nourrir le débat public et participer à une meilleure compréhension des enjeux. Il s’agit ici aussi de les mettre en réseau afin de définir et de diffuser un socle de culture partagée de l’intelligence artificielle, s’appuyant sur, la compilation et la mise à disposition de chacun de ressources pour comprendre et agir. L’enjeu est de disposer d’un ensemble de ressources communes, cohérentes, complémentaires et connues de toutes et tous. Il ne s’agit pas d’un dispositif lourd et administratif, mais tout au contraire d’une petite structure, appelée à identifier les meilleures pratiques d’échange, les meilleurs contenus, cours, Moocs… et à faciliter leur diffusion en fonction des thèmes pressentis par les acteurs locaux, en coordonnant également les acteurs nationaux et leurs ressources.

Découvrir des exemples de celles et ceux qui font

Les étapes d’Itinéraires numériques sont recensées sur une carte, dans un carnet de bord et des articles racontant les séquences de débat auxquelles le Conseil national du numérique a pu assister et contribuer au cours de ces deux dernières années. Thèmes de discussion, acteurs impliqués, exemples de formats, une immersion rapide dans le quotidien de celles et ceux qui font et se mettre à leur service.

Les Bases de l’Anct est une plateforme collaborative de partage de ressources et de communs numériques à l’échelle nationale.

Vous connaissez des lieux ou des initiatives qui contribuent à ce débat permanent ? La recension continue ! N’hésitez pas à nous contacter à debat@cnnumerique.fr !

Partager