CP - Le CNNum appelle le gouvernement à aller plus loin sur la diffusion des connaissances, des œuvres et des données
A Paris, le 13 novembre 2015
Le Conseil national du numérique appelle le gouvernement à aller plus loin sur la diffusion des connaissances, des œuvres et des données
Lien vers le communiqué de presse (PDF)
A l’heure où le projet de loi sur la République numérique est officiellement présenté pour avis au Conseil d’Etat, le Conseil national du numérique s’interroge sur le retrait de l’article 8 sur le domaine commun informationnel et l’articulation des articles sur l’open data avec le projet de loi Valter. Deux projets de loi importants pour le numérique sont actuellement l’objet d’un débat public : d’une part le projet de loi relatif à la gratuité et aux modalités de réutilisation des informations du secteur public (dit “projet de loi Valter”) qui va bientôt être étudié par une commission mixte paritaire et d’autre part le projet de loi sur la République numérique (dit “projet de loi Lemaire”) qui vient de faire l’objet d’une consultation publique en ligne. Ils ont pour objectif de donner une direction à la transition numérique, et de tenir les promesses de partage et de réutilisation dont elle a été porteur. Or le péril aujourd’hui est la fermeture et la création d’exclusivités abusives sur ce qui appartient à tous, alors même que c’est la circulation des connaissances, des informations, des données, mais aussi des oeuvres qui a permis l’essor de l’économie numérique et l’apparition de formes nouvelles, voire alternatives, de création et de production au coeur de la diversité culturelle. Malgré leur ambition affichée, les deux projets de loi marquent un net recul vis-à-vis de la nécessité de préserver et de soutenir ces dynamiques rendues possibles par le numérique. C’est pourquoi le CNNum, tout en saluant les avancées considérables contenues dans le projet de loi sur la République numérique, regrette fortement qu’il ait été amputé de son article 8 portant sur le domaine commun informationnel. Cet article avait pourtant pour seul objectif de défendre ce qui appartient à tous, ne faisant pas l’objet d’un droit de propriété intellectuelle, notamment les oeuvres du domaine public. Il avait en outre fait l’objet d’une forte mobilisation sur la plateforme de débat République numérique. Pour Benoît Thieulin “le débat sur l’article 8 a pâti d’un affrontement qui n’a pas lieu d’être entre d’une part les protecteurs des droits d’auteur, et d’autre part les promoteurs des biens communs. Si nous voulons construire le modèle de demain, il nous faut réconcilier ces deux approches et poser les bases d’un dialogue constructif.” C’est par ce dialogue qu’il sera possible de construire autour des communs, un ensemble d’innovations et de nouveaux usages dans le cadre d’une transformation générales des pratiques sociales et économiques.
A cet égard le CNNum ne peut que réaffirmer la nécessité d’ouvrir une réflexion large sur ce sujet. Ce concept prend en effet ses racines dans les luttes écologiques, autour de revendications d’une gestion commune des ressources naturelles qui soit profitable à tous ; à la veille de l’ouverture de la COP 21, il n’est plus possible d’isoler abstraitement les sujets, mais il s’agit au contraire de faire converger les différentes transitions - numérique et écologique - pour promouvoir un monde durable. Le projet de loi Valter fait preuve des mêmes reculs importants par rapport à l’ambition affichée du gouvernement de favoriser la diffusion de la culture et les biens communs par une stratégie d’ouverture, de circulation et de libre réutilisation des données publiques (“open data”). A contre courant du projet de loi sur la République numérique, il tend à faire émerger de nouvelles barrières tarifaires pour les utilisateurs, et à favoriser la constitution de droits d’exclusivité de longue durée sur les données publiques culturelles. Le CNNum déplore ainsi le faible encadrement des licences d’exclusivité sur les données culturelles qui peuvent s’étendre sur plus de 10 ans. Les licences d’exclusivité ont tendance à créer des monopoles, à entrer en contradiction avec les objectifs d’accès de tous à la culture et à être inappropriées face au renouvellement rapide des technologies dans ce domaine. Elles peuvent également aboutir à une légalisation du copy fraud[1] sur les oeuvres culturelles appartenant au domaine public, à l’image de ce qu’il s’est passé sur la reproduction de la grotte de Lascaux. De manière générale, le CNNum juge décevante l’extension des exceptions apportées au principe de gratuité des données publiques. A rebours du mouvement de diminution de la dépendance aux redevances[2], l’article 3 du projet de loi Valter acte la généralisation du recours aux redevances pour toutes les administrations tenues de couvrir par leurs ressources propres à une part substantielle des coûts de collecte, production et diffusion de ces documents. Ces autorisations seraient délivrées par un seul décret, tous les 5 ans. Selon Marc Tessier, membre du CNNum : “Il y a comme un parfum d’Ancien Régime, pourquoi ne pas rétablir le papier timbré de Colbert en numérique !” Dans son rapport Ambition numérique, le CNNum soutient que le recours aux redevances doit demeurer exceptionnel et être réévalué chaque année en fonction des efforts engagés par l’administration pour la transition de son modèle économique. La gratuité doit être encouragée comme mode principal d’ouverture des données, dans un objectif de transparence démocratique et d’innovation.
Contacts presse : presse@cnnumerique.fr (01 53 44 21 27)
- Yann Bonnet, secrétaire général du CNNum
- Camille Hartmann, rapporteure au CNNum
- François Levin, rapporteur au CNNum
[1] le copy fraud est une revendication illégitime d’exclusivité sur une oeuvre qui entraîne des restrictions à son usage et à sa reproduction. Lorsqu'il s'agit d’une oeuvre appartenant au domaine public, le copy fraud porte atteinte aux droits de la collectivité toute entière.
[2] D’après le rapport Trojette, le montant des redevances perçues par les administrations s’élèvent à 35 M€ en 2012, soit une baisse de 33% par rapport à 2010