Discours de Benoit Thieulin pour l'installation du nouveau Conseil national du numérique

Le 18 janvier 2013 - Arnaud Montebourg, Ministre du redressement productif, et Fleur Pellerin, Ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, de l'innovation et de l'économie numérique ont ce matin installé le nouveau Conseil national du numérique.

Désormais paritaire, le Conseil est composé de 30 membres issus de l'entrepreneuriat, de la recherche, des grandes entreprises, de la société civile, des médias, à l'image de la diversité de l'écosystème numérique.

Benoît Thieulin a été nommé nouveau Président du Conseil national du numérique, prenant ainsi la succession de Gilles Babinet et Patrick Bertrand, présents ce matin.

Discours prononcé par le Président Benoît Thieulin : 

Madame la Ministre, Messieurs les anciens Présidents du Conseil national du numérique,

Mesdames et Messieurs les nouveaux membres, Mesdames et Messieurs,

Je suis honoré d'être parmi vous, aujourd'hui, pour l'installation du Conseil national du numérique. Je salue chaleureusement tous les membres nouvellement nommés. Je vous souhaite la bienvenue à toutes et à tous.

Je suis très heureux de présider à la réunion de tant de compétences avec une telle diversité, et je veux remercier ceux qui m'en ont donné l'opportunité, madame la Ministre Fleur Pellerin, Monsieur Arnaud Montebourg, Ministre du redressement productif, le Premier Ministre, Monsieur Jean-Marc Ayrault, et bien entendu, Monsieur le Président de la République, François Hollande. Merci de votre confiance. Je voudrais saluer également, à cette occasion, le travail accompli par le précédent conseil et remercier en particulier Gilles Babinet et Patrick Bertrand de leur présence : je crois que ce passage de témoin est important. Je pense aussi que leur conseil, et leur expérience de la navigation pour les acteurs du numérique que nous sommes, dans les eaux administratives et politiques, nous sera fort utile.

Avec le numérique, nos sociétés sont entrées en révolution et peu d'activités humaines échappent à cette vague : le logiciel dévore le monde et nul ne sait trop jusqu'où ce mouvement ira et quelles en seront les conséquences.  

J'en ai la conviction profonde, la révolution numérique n'est pas seulement technologique et économique : elle est tout autant cognitive, culturelle, sociale et politique. Pour se soigner ou pour apprendre, pour consommer ou pour accéder aux services publics, partout le numérique bouscule les rapports sociaux établis et transforme les anciens modèles. La culture, le commerce, la presse, en font l'expérience depuis déjà plusieurs années, la télévision ou l'éducation, y ont été confrontées plus récemment. Élargir la composition du Conseil national du numérique était nécessaire : pour appréhender la nature de cette révolution, il nous fallait accueillir la diversité de ses acteurs, de ses terrains, de ses phénomènes.

Et c'est je crois chose faite avec des membres issus de la famille du logiciel libre, de l'administration électronique, des investisseurs, du big data et du cloud, des startups, des grandes entreprises, des incubateurs, des chercheurs, des chefs d'entreprises, des associatifs, etc. 15 femmes, 15 hommes, 15 membres de moins de 45 ans : nous avons de quoi faire une belle dataviz !

Si nous sommes 30, et non plus 18, issus d'horizons et porteurs d'expertises différentes, c'est, avant toute chose, pour répondre à la mission qui nous est confiée, sous l'autorité du Premier ministre, d'éclairer l'action du Gouvernement et des pouvoirs publics "sur toute question relative à l'impact du numérique sur la société et sur l'économie".

Parce qu'elles concernent la vie quotidienne des Français, la numérisation des industries culturelles a fait prendre conscience, la première, à l'opinion publique et aux responsables politiques, que les transformations liées au numérique n'étaient ni indolores, ni vertueuses par nature. Les débats qu'elles ont engendrés sont en réalité éminemment complexes et protéiformes : techniques, économiques, juridiques. Peu de gens maitrisent la totalité du spectre de ces débats. Or les technologies et les usages qu'elles libèrent interpellent parfois brutalement notre vivre-ensemble. Et les pouvoirs publics, qui en sont les garants, ont été par le passé souvent démunis à l'abord des premiers grands débats numériques, je pense notamment aux lois Davdsi, Loppsi, Hadopi, qui ont parfois pu décevoir de nombreux acteurs du numérique et donner lieu, souvent, à un internet bashing, qui nous inquiétait.

C'est précisément  que le CNN devra faire oeuvre utile de sa diversité et de sa collégialité pour véritablement effectuer cette pédagogie qui manque souvent à ces sujets.. Je veux par ailleurs voir dans le rattachement du CNN au Premier ministre, comme dans la création en octobre dernier du Secrétariat général pour la modernisation de l'action publique, la prise de conscience que l'innovation est souvent à l'interstice des frontières des découpages ministériels.

Voyant ici, madame la Ministre, les 29 personnalités qui composent avec moi ce nouveau CNN, et le caractère de celles que je connais, j'ai une confiance certaine dans notre capacité à vous bousculer ! La diversité des points de vue qui s'exprimeront seront les meilleures garanties de notre indépendance et de notre liberté d'esprit. Une indépendance que renforcera la collégialité et l'ouverture des travaux du Conseil.

La démocratie participative est en effet un principe qui m'est cher, comme à vous, Mme La Ministre ; il est d'ailleurs indissociable du numérique, et j'aurai à coeur de l'ancrer dans la culture de travail du CNN, afin que nous ne soyons pas simplement réduit à rendre des avis dans notre enceinte, mais pour que nous ayons au contraire l'ambition de produire collectivement une intelligence utile à l'action publique en s'aidant des contributions du plus grand nombre d'acteurs : lorsque l'on voit les récentes innovations en matière de démocratie liquide, on imagine dans les trois ans qui viennent qu'il nous sera possible également d'innover dans nos méthodes de travail. Ce sont ces méthodes  qui nous guideront dans la manière d'aborder les sujets sur lesquels nous serons amener à nous prononcer. Et ils sont nombreux. Et ils sont décisifs pour l'avenir de la France !

  • La neutralité du net, sur laquelle, comme vous l'avez indiqué, madame la Ministre, vous souhaitez nous entendre, quant à l'opportunité de légiférer.
  • La feuille de route du Gouvernement pour le numérique, que vous proposez de nous soumettre chaque année : comptez sur le CNN pour y trouver un regard critique et ambitieux.
  • Mais aussi la fiscalité, bien sûr, et la réduction des fossés numériques qui se creusent avec nos aînés comme avec les Français les plus démunis.

Je n'ai aucun doute sur la compétence de ce CNN renouvelé pour aborder ces débats avec toute la hauteur requise. Je veux vous ramener, pour conclure, à l'origine de la révolution numérique, en tout cas de sa plus flamboyante illustration qu'est internet : aux Etats-Unis, mais aussi, en Europe, au CERN, c'est la rencontre et le travail en commun de jeunes innovateurs, d'universitaires, de militaires, de libertaires, de vieux informaticiens utopistes de la cybernétique, mais aussi de grandes entreprises et des budgets publics !

Je crois qu'il faudra toujours que nous ayons cela à l'esprit, dans nos travaux, et un peu à l'image de notre composition : la révolution numérique est due à ce rassemblement des contraires entre public et privé, grands groupes et petites entreprises, chercheurs et entrepreneurs, donc à une alchimie complexe, presque inimaginable, et pourtant si féconde. L'usage que nous en ferons nous aidera, j'en suis convaincu, à affronter cette période difficile de transformations, parfois douloureuses, mais porteuses de tant d'espoir de progrès et qui fait, peut-être, que souvent parmi les acteurs du numérique, demeure un indéfectible optimisme. Comme le rappelle souvent Edgar Morin, nous vivons moins une crise qu'une métamorphose, qu'une période de transformations qui sont autant de leviers pour innover et d'opportunités pour changer le monde ! Je vous remercie.  

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