« La colère est légitime » : débat sur les émotions et la participation à Strasbourg

À l’invitation de la Ville et l’Eurométropole de Strasbourg, direction le Shadok pour échanger avec les agents de la collectivité sur la place des émotions dans le débat.

La métropole et la ville de Strasbourg déploient de nombreux exercices de participation citoyenne. Conseil des citoyens, des jeunes, assemblées publiques, comité d’usagers du numérique ou encore rencontres de quartiers, ces exercices sont également prolongés par des dispositifs en ligne telle que la plateforme numérique de la participation citoyenne qui permet aux habitants de prendre part à des délibérations.

Quelle place pour l’expression et l’écoute des émotions dans ces échanges autour des enjeux du quotidien des citoyennes et citoyens, souvent passionnés ? Le 18 janvier 2024, vingt-six agents de ces collectivités ayant plus ou moins expérimenté ces formes de participation, qu’elles soient au coeur de leur métier (agents de la direction de la participation) ou au fil de la conduite de projets spécifiques (agents de la collectivité dont les compétences / choix sont mis en débats avec des citoyens) ont pu échanger sur ces exercices clés dans la vie démocratique locale.

Un consensus a rapidement émergé : l’expression d’émotions est légitime tant qu’elle ne dépasse pas certaines limites, un certain cadre. L’enjeu est alors de mettre sur pied les dispositifs les plus adaptés

Espaces et légitimité de l’expression des émotions dans le débat public

Pour les agents au contact des citoyens, “la remise en cause d’une expertise est parfois difficile à accepter” témoigne une participante. Exprimer sa colère pendant les réunions publiques est naturel, en particulier quand il s’agit de décisions qui vont avoir un impact direct sur le quotidien des citoyens (la mobilité, les écoles…), mais pour de nombreux agents, les attaques personnelles et l’instrumentalisation des émotions pour remettre en cause leur légitimité est une limite qu’il ne faut pas franchir.Il s’agit d’accepter le ressenti de l’autre, de garder de la distance nous explique-t-on.

L’expression de ces émotions ne concerne pas que les réunions physiques. Les participants pointent également la place des réseaux sociaux, où la désincarnation des relations interpersonnelles et le manque de recul favorisent la virulence des messages envoyés, alors que les agents se sentent d’autant plus exposés, “dans l’intimité de [leurs] logements”. Relevant l’expression parfois violente d’usagers sur les réseaux sociaux de la Ville et de l’Eurométropole de Strasbourg, une participante questionne : “La collectivité doit-elle se retirer d’un réseau social ?”.

De l’animation à la formation : l’accompagnement de l’expression des émotions

Comment alors accepter l’expression des émotions en évitant les débordements ? Poser un cadre dès le début d’une réunion peut paraître infantilisant pour les usagers, et s’avérer contre-productif, témoigne une participante. En réaction, une autre conseille de mettre en place un “saladier de questions” et un “mur des frustrations”. Quand le premier objet cherche à faciliter l’expression de tous, sans jugement, le second joue un rôle que l’on pourrait qualifier de cathartique en ce qu’il permet l’expression d’émotions qui pourraient être refoulées.

Plusieurs participants sont par ailleurs revenus sur la forme même des rencontres physiques de participation citoyenne. La récurrence des rencontres permet de construire une relation de confiance dans le temps long et de penser des solutions aux problèmes soulevés par les citoyens, au-delà de l’expression des mécontentements.  La transformation des assemblées de quartier en un format plus réduit, organisé autour d’un stand, permet quant à elle de conduire des discussions de manière plus approfondie et apaisée, en petits groupes, malgré une organisation plus gourmande en temps et en moyens, puisqu’il faut renouveler l’exercice pour chaque nouvel arrivant.

Ce manque de temps et de moyens pour engager des échanges poussés avec les citoyens de l’Eurométropole, a d’ailleurs été pointé par plusieurs participants, de même que la limite des exercices de participation ne représentant qu’une très petite fraction des habitants d’un quartier : “si je n’ai que douze personnes en réunion, est-ce que je peux dire que c’est ce que le quartier veut ?”

À nouveau, l’importance de la formation, individuelle comme collective, a été mise en avant : la communication non violente, qui demande de l’entraînement régulier, et le management, qui permet un retour sur soi-même avant de comprendre l’autre, ont été à ce titre mises en avant par les participants.

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