Mobilisons la richesse des communs
En marge de l'échange ASDN avec Serge Abiteboul et François Bancilhon autour de leur ouvrage Vive les communs numériques !, nous avons pu échanger avec les deux auteurs sur le besoin de promouvoir une culture des communs numériques.
Initialement, notre intention avec ce livre était de nous concentrer sur les thèmes de l’open source, l’open data et l’open science. Rapidement, nous avons perçu l'intérêt d'inclure les communs numériques dans notre étude, en adoptant une lecture élargie de leur objet. Bien qu'il soit utile de disposer d'une définition opérationnelle des communs (d’un outil permettant de distinguer ce qui en fait partie ou non), cela n’empêche pas de s’intéresser à un cadre plus large. Par exemple, pour des données, il vaut mieux savoir qu’une donnée existe quelque part, que de ne pas le savoir. Bien sûr, il est préférable qu’elle soit proprement ouverte, même si la communauté autour d’elle est encore à construire pour que cela devienne un commun. Il nous a donc semblé souhaitable d’élargir la focale parce que les frontières des communs sont intéressantes et parce que le chemin pour devenir un commun surtout est passionnant.
Dans cette perspective, nous avons tenté une taxinomie des communs basée sur la nature des ressources : données, informations, connaissances, logiciels, réseaux. Nous considérons aussi une autre classification à partir des domaines d’applications ; nous avons été surpris par la richesse de ces domaines. La diversité présente dans les communs est également passionnante : diversité dans les communautés, dans leurs cultures, leurs motivations, leur gouvernance, leur modèles économiques, entre autres. Enfin, on ne peut qu’être impressionné par leur développement dans le temps et dans l’espace. Une foule de sujets restent à approfondir, en sociologie, en économie, en droit, en histoire… Toutes ces diversités nous conduisent alors à une question passionnante : qu’est-ce qui détermine si une ressource est plus appropriée pour être un commun, privé, ou publique. En effet, les communs ne sont pas les seuls à organiser la production et la distribution de ressources numériques ; les logiciels propriétaires et les données gérées par l'État le font également et doivent à ce titre garder une place.
Dans un monde qui va mal, où on a tendance à rendre le numérique responsable de beaucoup de dérives, on peut trouver dans les communs numériques des raisons d’être un peu optimiste. Mais nous ne croyons pas non plus que les communs soient la solution de tous les problèmes posés par le numérique ; donc ne les chargeons pas de résoudre tous les problèmes du monde. En revanche, les communautés des communs peuvent être un atout majeur parce qu’elles sont dynamiques, passionnées, et parce qu’elles sont animées de valeurs éthiques qui sont indispensables pour aborder ces enjeux. Pour nombre de ces problèmes, les réponses ne peuvent passer uniquement par des solutions techniques, par des lois et des règlements. Les solutions requièrent les engagements de personnes dans leurs communautés. On est en plein dans l’approche proposée par les communs.
Les communs numériques racontent de belles histoires comme celles d’internet, du web, de Wikipédia, de la science ouverte, des logiciels libres... Ces histoires démontrent l’étonnante capacité des communautés humaines pour réussir avec l’aide du numérique des entreprises qui semblaient jusque-là impossibles. Néanmoins, nous retirons aussi de cette étude des inquiétudes, un certain pessimisme du fait des tentatives d’enclosures de communs numériques par les entreprises privées et les États, de plus en plus violentes. Plus que jamais, il faut se mobiliser pour défendre les communs.
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