Pérenniser les espaces de dialogue qui œuvrent à une culture numérique partagée

Dans une tribune pour Acteurs Publics, Françoise Mercadal-Delasalles et Gilles Babinet, co-présidents du Conseil, appellent à pérenniser la démarche Itinéraires numériques,à soutenir les initiatives locales existantes et à ouvrir les administrations au débat sur le numérique, partout en France.

À quoi bon débattre du numérique ?

Au cours des 18 derniers mois, le Conseil national du numérique a co-organisé avec des acteurs territoriaux plus de 70 évènements-débats, partout en France, avec des enseignants et médiateurs, élus et agents de collectivités, chercheurs et chefs d’entreprise, gendarmes et collégiens, lycéens, parents, personnes âgées, citoyens… nous répondrons d’emblée oui, débattre de notre rapport au numérique sert à quelque chose et même sert énormément. C’est la première étape d’une compréhension collective du bain numérique dans lequel nous sommes immergés et ainsi d’une mise en action de tout un chacun. C’est pourquoi nous devons collectivement nous mobiliser en ce sens.
Dès le début de sa mandature actuelle, en février 2021, le Conseil national du numérique a fait le choix d’ériger le débat comme préalable indispensable pour s’approprier le numérique. De la construction de nos ouvrages aux événements rassemblant administrations publiques, monde de la recherche, société civile, etc., nous avons poursuivi une méthode ouverte et collective, inscrite dans l’ADN du Conseil depuis plus de 10 ans maintenant. Après avoir appelé à politiser le numérique, dans Civilisation numérique nous avons allié le dire au faire et avons initié Itinéraires numériques, une démarche exploratoire d’ouverture du débat à travers la France.

Écouter et parler pour faire société et construire une culture partagée

On reproche souvent aux français leur méfiance à l’égard de l’innovation. Les épisodes Linky ou la polémique autour de la 5G symptomatiseraient cette méfiance. Cette année de débats nous a apporté que ce n’est pas la modernité et le progrès qu’ils rejettent, c’est au contraire le fait que des technologies leur soient imposées sans qu’ils leur soient possible de comprendre pourquoi. En dehors des métropoles où se concentrent les pouvoirs, nos concitoyens ne veulent pas se sentir dépossédés de leurs destins, sujets de politiques technologiques qu’ils ne comprennent pas et pour lesquels ils n’auraient pas été jugés dignes d’être consultés. 
Il nous semble que c’est cela qui explique largement qu’à chacune des étapes hebdomadaires d’Itinéraires numériques, les participants ont témoigné du désir de comprendre le fonctionnement des outils numériques, leurs impacts sur notre quotidien. Ils ont exprimé une volonté d’avoir voix au chapitre, de partager bonnes pratiques et solutions, de reprendre la main sur des technologies souvent présentées comme nous dépassant.

La question qui se pose et qui est posée de manière récurrente, à l’aune d’une révolution de l’intelligence artificielle que beaucoup pressentent comme particulièrement rapide et profonde, est de savoir comment pérenniser ces espaces de dialogues qui œuvrent chaque jour pour une culture numérique partagée. Comment soutenir une sociabilisation de l’intelligence artificielle, indispensable pour comprendre la révolution anthropologique que nous vivons ? Plusieurs conditions ont émergé des échanges avec des personnalités engagées dans chaque région, ville et département, visités mais aussi de nos interactions quotidiennes avec des acteurs nationaux qui créent des ressources et des programmes.

Du national au local, soutenir ceux qui font

En premier lieu, nous avons besoin d’agoras publiques. Les espaces dématérialisés sont fréquemment mis en avant dans la diffusion et la confrontation des idées, mais cette année de rencontres a également fait émerger le besoin de pouvoir se retrouver lors de réunions publiques, dans des lieux du quotidien, les cafés ou sur les places publiques.

En lieu et place d’un mouvement qui serait pensé de manière uniforme à l’échelle nationale, ce mouvement doit puiser ses racines dans les initiatives qui germent et se structurent depuis des décennies partout dans notre pays et qui sont portées par des acteurs publics ou des associations, des tiers-lieux et des centres sociaux, des collectivités et des entreprises, des établissements scolaire et des fédérations d’éducation populaire… Ce mouvement pluriel mérite d’être reconnu comme tel, structuré et soutenu certes mais avec une large part de différenciation. Faire confiance à ceux qui font, qui connaissent les enjeux auxquels ils font face et qui bénéficient d’une confiance et d’une écoute certaines est la deuxième condition.

Vers l’inscription du débat dans la marche des administrations ?

Si la dynamique d’animation de ces débats ne peut être que locale, nous avons tout de même besoin d’une impulsion politique nationale, afin de maximiser la mutualisation de certaines ressources par exemple. La mobilisation collective ne peut être impulsée que par un message de ralliement. C’est probablement une troisième condition au succès de la démarche.

Plus largement, à travers ce message d’ouverture au débat, il s’agit de franchir un nouveau cap dans l’exercice de la démocratie, au travers de ce débat national à propos de l’intelligence artificielle. Nous avons besoin de cet appel à ouvrir les administrations pour mettre à l'ensemble des acteurs publics en capacité d’enrichir leurs activités quotidiennes par l’intégration du débat citoyen. L’enjeu ici est de faire en sorte que l’administration toute entière puisse prendre ce tournant démocratique et que chaque agent se sente en capacité d’échanger, de comprendre et de partager. Les retours d’expérience, tous secteurs confondus, sont plus qu’enthousiasmant. Alors profitons-en et lançons-nous dans le grand bain du débat !

Lire la tribune sur le site d'Acteurs publics

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