Saisine loyauté des plateformes

En décembre 2016, le CNNum a été saisi par la secrétaire d’Etat Axelle Lemaire pour proposer un cadre d’analyse de la loyauté des plateformes et expérimenter une évaluation publique et transparente de leurs pratiques en s’appuyant sur un réseau ouvert de contributeurs (lire la lettre de saisine). Les travaux sont conduits en étroite coopération avec l’initiative TransAlgo, portée par l’Inria, l’Institut Mines-Telecom et le CNRS, qui vise à développer l’évaluation de la responsabilité et la transparence des systèmes algorithmiques. Ils pourront notamment alimenter les réflexions engagées par la Commission européenne.

historique loyaute plateformes

Contexte de la saisine

L’essor des plateformes numériques a enclenché une transformation profonde de notre économie. Les controverses opposant Uber aux VTC, Booking aux hôteliers ou Amazon à ses fournisseurs sont les symptômes de changements de paradigmes dont nous peinons encore à modéliser toutes les
implications.

Certaines préoccupations ne sont pas sans rappeler les difficultés rencontrées dans la grande distribution vis-à-vis de l’intensité de la concurrence, des rapports de force entre intermédiaires et producteurs, ou du partage de la valeur. A mesure que les usages numériques se développent, certaines plateformes deviennent en effet des points d’accès critiques, et se transforment en concurrents redoutables lorsqu’elles investissent par leurs propres offres les marchés amont ou aval.

Cette analogie ne reflète toutefois qu’une partie des enjeux, car les processus économiques à l’oeuvre ont des répercussions qui dépassent la vie des affaires. En organisant la mise en relation des individus et des organisations, les plateformes contribuent à façonner leur accès à l’information ou à des contenus culturels variés, ainsi que leur capacité à s’exprimer et être entendus. Par ailleurs, les plus grandes plateformes ont su devenir des modèles de productivité en optimisant les externalités générées par les différents contributeurs de leurs marchés. Ce modèle inspire désormais bon nombre d’entreprises, de mouvements civils, voire d’Etats. Cette vague de “plateformisation” participe d’autant à faire évoluer les formes du travail, de l’emploi et de la redistribution.

Ces caractéristiques font des plateformes des infrastructures sociales essentielles, dont le fonctionnement doit pouvoir être démocratiquement questionné. De nombreuses initiatives ont émergé pour mieux s’informer sur leurs pratiques. Toutefois l’expertise demeure “éclatée” entre domaines juridiques (vie privée, fiscalité, concurrence...), objets techniques (systèmes d’exploitation, référencement, navigation, interfaces de programmation, interfaces web) et publics concernés (particuliers, associations de consommateurs, communautés technophiles, entreprises intermédiées, éditeurs d’applications, etc.).  Ce qui conduit à une fragmentation des thématiques qui limite toute tentative de compréhension globale du phénomène de plateformisation.

Démarche

Les travaux du CNNum l’ont conduit à recommander trois approches parallèles et complémentaires :

  1. La première consiste à de se doter, au niveau européen, de capacités prospectives et d’un cadre de régulation modernisé, aujourd’hui bousculés par la rapidité, la transversalité et l’intrication des mutations précédemment décrites. Que recouvre l’optimum consommateur dans ces espaces où les frontières entre consommateurs, producteurs et citoyen s’estompent ? Comment intervenir en temps utile sans neutraliser les potentiels d’innovation ? Comment articuler efficacement les différents objectifs ?

  2. La deuxième approche renvoie au besoin de stimuler la recherche interdisciplinaire pour produire des outils techniques permettant d’auditer les systèmes qui gouvernent les plateformes — procédures, règles, design, algorithmes de classement et de personnalisation... — et d’évaluer leurs impacts. C’est notamment l’objectif de l’initiative TransAlgo, conjointement menée par l’INRIA et le CNNum.
  3. La troisième vise à innover pour abaisser les barrières à la participation des parties prenantes dans ces débats, afin qu’elles puissent exprimer leurs objectifs et leurs difficultés ; puis identifient et promeuvent collectivement les meilleures pratiques. Il existe aujourd’hui une profusion d’initiatives et de propositions en ce sens venues de la société, que le CNNum souhaite aider à potentialiser.

Dans la continuité de plusieurs avis du Conseil, et dans le cadre de la saisine de décembre 2016 par la secrétaire d'Etat Axelle Lemaire, le CNNum a engagé des travaux pour proposer un cadre d’analyse de la loyauté des plateformes, et expérimenter une évaluation publique et transparente de leurs pratiques en s’appuyant sur un réseau ouvert de contributeurs. Cette expérimentation se fonde sur plusieurs postulats :

  • Le besoin de fédérer des expertises diverses (développeurs, designers, chercheurs, membres de la société civile, etc.) par le partage de remontées de terrain (crowdsourcing), afin de construire une compréhension systémique du fonctionnement des plateformes ;
  • Le besoin de créer des comparables sur les pratiques des plateformes en fournissant des indicateurs sur leur comportement pour mieux les observer et les objectiver ;
  • L’utilité d’exploiter le levier réputationnel pour inciter les plateformes, sensibles à leur image, à adopter des pratiques vertueuses en termes de référencement des informations, lisibilité des conditions d’utilisation, protection de la vie privée, etc.

Objectifs des travaux

Un groupe de réflexion sur les pratiques des plateformes a été mis en place. Il aura pour objectif de poser les premiers jalons d’un espace contributif dédié à faciliter la remontée des questions, encourager le partage d’expertise, fédérer les initiatives existantes et susciter une réappropriation des débat par un maximum d’acteurs.

Les travaux permettront notamment :

  • D’approfondir les conditions d’analyse de la loyauté des comportements des plateformes, suite aux discussions ouvertes lors de la loi pour une République numérique et dans le cadre des réflexions engagées par la Commission européenne sur les pratiques BtoB des plateformes, qui prenne en compte des critères de transparence (“La plateforme permet-elle de comprendre clairement son fonctionnement ?”), d’auditabilité (“A-t-on les moyens de vérifier ce qui est dit”) et d’impact sociétal (“Quel est l’impact de l’activité de la plateforme sur la société ? Comment tient-elle compte de ces enjeux ?”) ;
  • Tester l’hypothèse d’une ou plusieurs entités chargées d’évaluer les pratiques des plateformes, sur la base d’indicateurs, de compétences multidisciplinaires et de remontées de problèmes ;
  • Analyser des conditions dans lesquelles un indicateur est susceptible d’encourager les plateformes à adopter des pratiques plus vertueuses ;
  • En lien avec l’initiative TransAlgo, sensibiliser la société et les acteurs publics aux enjeux liés à la transparence et à la responsabilité des systèmes algorithmiques, et oeuvrer à la construction d’outils d’évaluation

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