Le Conseil à Nice et Sophia Antipolis, écosystème unique riche en enseignements
Les 13 et 14 décembre, Anne Alombert, Justine Cassell, Olga Kokshagina et Eric Salobir, membres du Conseil, étaient à Nice et Sophia Antipolis, pour deux journées en lien avec nos travaux sur la transmission des savoirs, l’économie de l’attention et la relation entre les humains et les machines.
Ce déplacement s’inscrit dans la démarche d’ouverture du débat engagée par le Conseil depuis plusieurs mois. Au-delà de la diffusion des travaux de la mandature, il s’agit avant tout de prêter une oreille attentive aux acteurs de terrain et de restituer des initiatives qui entrent en résonance directe avec les thématiques traitées par le Conseil depuis février 2021.
Deux journées d’un intense programme
A Nice, la délégation a d’abord visité le lycée professionnel Magnan, établissement démonstrateur numérique, pour des échanges avec les équipes pédagogiques et l’observation de dispositifs numériques en classe. Les membres ont ensuite été reçus par le recteur de l’Académie de Nice, et ont participé à une discussion à bâtons rompus avec des formateurs et personnels du rectorat.
A Sophia Antipolis, la délégation a été reçue au centre Inria pour la démonstration de projets de robotique, et ses membres ont participé à deux tables rondes, consacrées à la dissémination des savoirs et à l’éthique du numérique. Ils ont ensuite visité le fablab SoFAB et les laboratoires I3S et LEAT, où des chercheurs leur ont présenté leurs travaux, avant de terminer la journée à la Maison de l’Intelligence Artificielle, qui recevait des collégiens pour un stage d’acculturation.
Sur ces deux journées, les membres du Conseil ont également pu échanger avec des élus et cadres de la métropole niçoise, ainsi que de la communauté d’agglomération de Sophia Antipolis et du département des Alpes-Maritimes.
Plusieurs tendances se sont détachées au fil de ces rencontres, de ces visites, de ces échanges d’une grande richesse :
Mobiliser le numérique pour encapaciter les plus jeunes
A plusieurs reprises, la délégation a pu observer l’engagement des enseignants et de l’écosystème numérique auprès des plus jeunes, ainsi que la volonté de se servir des outils numériques pour développer de nouvelles formes de transmission des savoirs. Pour ne pas devenir un simple outil de gestion administrative, le numérique doit permettre des approches renouvelées et adaptées en termes de pédagogie, permettant d’embarquer l’ensemble des élèves. Le point de sortie doit avant tout être une plus grande richesse des pratiques. Pris seulement en tant que substitut des supports papiers ou livresques, il peut poser plus de problèmes qu’il vise à en résoudre. A cet égard, une attention particulière doit être apportée aux disparités économiques, sociales, géographiques, pour éviter de creuser plus encore certaines fractures.
Il faut donc insister sur la nécessité de transmettre une culture numérique, interdisciplinaire, théorique et pratique, intégrant des dimensions politiques et civiques, économiques, psychosociales, communicationnelles, sociologiques, anthropologiques et historiques, ainsi que le Conseil le proposait dans son dossier consacré à la construction et à la transmission des savoirs. Ces approches pourraient permettre de redonner du sens à l’usage d’outils numériques comme à l’enseignement du numérique.
Faire du numérique un outil réflexif permettant aux enseignants d’évoluer vers des pratiques répondant à leurs aspirations
Si les enseignants rencontrés par la délégation ont dans leur ensemble témoigné d’une volonté de développer de nouvelles méthodes pédagogiques, ils ont également fait part d’un besoin d’accompagnement, d'acculturation et de formation pour mieux appréhender les enjeux que soulèvent les outils numériques, et ce pour mettre ces outils au service de leur enseignement. Les échanges avec des formateurs ont ainsi fait émerger le besoin de développer la formation sur les problématiques attentionnelles (un débat qui fait écho aux recommandations du CLEMI sur la métacognition lors d’un entretien avec le Conseil).
Les pratiques de co-intervention (avec deux enseignants) semblent très stimulantes : ne pourraient-elles pas être expérimentées lors de cours sur le numérique, objet transdisciplinaire par excellence, durant lesquels des professeurs de plusieurs disciplines pourraient intervenir ? En lui-même, l'outil peut être considéré comme une invitation à une lecture décloisonnée des sujets, et agir comme une clef d'ouverture vers la mise en dialogue des connaissances en vue de la construction de savoirs communs.
Impliquer l’ensemble d’un écosystème unique en France
Les différentes initiatives proposées par l’écosystème local, telles que Terra Numerica, ou les stages proposés par la Maison de l’Intelligence Artificielle, méritent d’être saluées. L’intégration de ces acteurs dans l’école, que ce soit pour la formation des enseignants comme pour l’acculturation des élèves, doit être encouragée, et ces actions pérennisées en continu. Une telle dynamique ne peut s’installer sans tenir compte des évidentes contraintes temporelles, financières et administratives, auxquelles les pouvoirs publics peuvent contribuer à apporter une réponse, et l’implication du politique apparaît comme un impératif.
L’impressionnante cohésion de l’écosystème numérique local témoigne des effets bénéfiques d’une dynamique territoriale structurée. C’est une démarche qui mériterait d’être étendue, en multipliant les interactions entre les acteurs, telles que l’acceptation d’étudiants en stage par les entreprises partenaires, la facilitation des expérimentations par les institutions ou encore une participation du corps étudiant à l’éducation des plus jeunes générations.
La mise en œuvre de toutes ces solutions, parfois encore très récentes, et témoignant d’un intense fourmillement d’initiatives, pourra bénéficier d’une évaluation de leurs effets sur le court, le moyen et le long terme, afin de pouvoir les promouvoir et les répliquer auprès d’autres structures, ou de les ajuster si nécessaire.
Identifier des problématiques émergentes
Au-delà de ces riches réflexions sur la construction et la transmission des savoirs, les rencontres de la délégation et les tables rondes organisées ont pu mettre en lumière des problématiques auxquelles l’écosystème local (et national) devra faire face dans les années à venir, au premier rang desquelles l’intégration des problématiques de sobriété numérique ; les nouvelles formes de travail et leur impact sur la mobilité, la sociabilité ; la difficulté à conserver les talents sur un territoire ; l’intégration des questions éthiques en amont de la conception des technologies, qui implique une meilleure intégration des chercheurs en sciences humaines et sociales à ces processus. Autant de thématiques fondamentales qui appellent de nouvelles réflexions.
Ce déplacement d’une délégation de membres du Conseil autour de ses thématiques de recherche a été l’occasion de mettre en dialogue les travaux du Conseil et les initiatives de terrain pour partager et valoriser l’expertise indispensable de ceux qui font le numérique au quotidien. D’autres rencontres seront organisées en 2022, afin de poursuivre la démarche d’ouverture engagée depuis plusieurs mois et d’écouter, de recueillir la parole de l’ensemble des acteurs mobilisés et impactés par le numérique.