Assurer nos libertés à l'ère de l’intelligence artificielle

De la recommandation algorithmique privée aux pratiques citoyennes et contributives : assurer nos libertés à l’ère numérique. Anne Alombert insiste dans une note sur le rôle essentiel de la puissance publique pour engager la transformation des technologies et rendre possible l’exercice des libertés.

Paris, le 28 mars 2024 - De l’interdiction des smartphones dans certains lieux publics au rationnement du nombre de gigas quotidiens, des propositions émergent pour faire face aux enjeux de l’économie de l’attention numérique, renforcés par le développement des intelligences artificielles génératives. Néanmoins, c’est pour chaque fois réduire les capacités d’usage des citoyens plutôt que d’agir à la source, sur la nature des services fournis par quelques grandes entreprises. Anne Alombert, philosophe et membre du Conseil national du numérique insiste sur le rôle fondamental de la puissance publique, pour d’abord engager la transformation des technologies et rendre possible l’exercice des libertés aujourd’hui menacées. Elle propose deux leviers d’action pour y remédier, pouvant nourrir un projet européen à venir.

Lire la note

Lire le communiqué de presse

Ne pas laisser aux algorithmes de quelques entreprises privées le pouvoir de téléguider les choix des citoyens

Si ce sont les fonctionnalités technologiques et les modèles d’affaires des géants du numérique qui sont à l’origine de la captation des attentions et de la désinformation généralisée, prenons le problème à sa racine plutôt que de nous attaquer à ses effets.

C’est le postulat proposé par Anne Alombert, philosophe et membre du Conseil national du numérique dans une note publiée ce jour.

La recommandation automatique de contenus s’opère dans l’intérêt des réseaux sociaux dominants du fait de leurs modèles économiques fondés sur la captation de l’attention des utilisateurs. Mais elle conduit aussi à la propagation de fausses informations et à l’invisibilisation de contenus d’utilité publique. Ces risques seront aggravés par la diffusion massive des intelligences artificielles génératives, dont le fonctionnement probabiliste fermé risque de renforcer l’uniformisation des contenus et invisibiliser toute nouveauté. Comment dès lors agir contre un appauvrissement de la sphère informationnelle, qui met en danger le débat public et in fine la démocratie ? Anne Alombert insiste sur le rôle de la puissance publique pour garantir l’exercice des libertés d’expression et de pensée.

Pour un projet européen démocratique et contributif

Dans la continuité des travaux du Conseil national du numérique sur l’économie de l’attention, Anne Alombert recommande la mise en place de systèmes de recommandations contributives et citoyennes, fondés sur une diversité de critères et sur l’avis des utilisateurs. L’enjeu ? Recréer de la confiance dans les recommandations, à une époque où il devient de plus en plus difficile de faire confiance aux contenus mis en circulation. À travers une multiplicité de systèmes de recommandations, il s’agit de réinventer le pluralisme médiatique dans l’espace numérique, au lieu de soumettre la circulation des informations aux intérêts financiers des plateformes.

Il serait temps d’appliquer aux réseaux sociaux les principes d’ouverture nous permettant de toucher du doigt le réel apport des médias numériques : dépasser l’alternative entre privé et public par des pratiques citoyennes et contributives.

Ces changements structurels et économiques sont juridiquement atteignables notamment à travers le dégroupage des réseaux sociaux, proposition portée par de nombreuses ONG, associations, organismes, chercheurs et chercheuses en France et en Europe. Cette recommandation a été explicitée dans la note « Cultiver la richesse des réseaux », publiée en février 2024 à la suite de l’audition d’Anne Alombert et Joëlle Toledano par les Etats généraux de l’information. En contraignant les plateformes à s’ouvrir à des innovations tierces, la puissance publique garantirait une liberté d’innover, de choix et de pensée, et inciterait les entreprises à renouveler des modèles économiques aujourd’hui potentiellement toxiques. Autant de mesures politiques qui pourraient constituer un projet européen démocratique et contributif pour les prochaines années, dans la continuité des règlements européens et de la récente résolution du Parlement européen sur les interfaces addictives. La marche est accessible et l’enjeu est de taille : faire le pari de la démocratie numérique.
 

Sommaire :

Introduction : d’où venons-nous ?

  1. La recommandation automatique par les géants du numérique : une « destruction massive de nos démocraties » ?
  2. Les dangers des « intelligences artificielles génératives » : élimination des singularités et amplification des biais
  3. De la recommandation automatique privée à la recommandation contributive citoyenne
  4. Réinventer le pluralisme médiatique dans l’espace numérique
  5. Le dégroupage des réseaux sociaux : liberté d’innover, de choisir et de penser

Conclusion : que nous est-il permis d’espérer ?

Contact presse :
Joséphine Hurstel - josephine.hurstel@cnnumerique.fr - 06 18 58 61 57