Dans le Pays Basque, les diverses facettes d’un numérique au service du bien commun
Au fil de deux journées dans le Pays Basque, le Conseil a découvert plusieurs projets pour mettre le numérique au service de l’agriculture, de la protection des océans ou encore de la santé publique.
Ces rencontres étaient organisées à l’initiative de la Communauté d’agglomération Pays-Basque (CAPB) et de son directeur général des services, Rémi Bochard, que nous remercions chaleureusement. Retour en détail sur ces riches échanges.
Jour 1 : un numérique au service du vivant
A l’Ecole Supérieure des Technologies Industrielles Avancées de Bidart, Jean-Baptiste Manenti et Louis Magnes ont participé à un cycle de conférences organisé pour les cadres de la CAPB. En introduction de cette journée, Olivier Alleman, conseiller délégué en charge du numérique responsable, a rappelé qu’il convient de prendre en compte les coûts, environnementaux, sociaux ou encore démocratiques du numérique.
L’Antic, l’agence de développement des usages numériques du Pays Basque rattachée à la CAPB, représentée ce jour par Nathalie Sauzeau, a rappelé d’emblée le coût environnemental du numérique, au premier rang duquel la fabrication des terminaux (ordinateurs, smartphones, tablettes, etc.). L’invitation formulée aux cadres de la CAPB de passer à un numérique “utile, utilisable et utilisé” prend tout son sens.
Le numérique est aussi utilisé au service de la surveillance de l’écosystème océanique global et local. Comment l’océan réagirait-il à des événements extrêmes comme l’augmentation des températures ? Quel serait l’impact de l’installation d’un champ d’hydroliennes ? Le jumeau numérique de l’océan développé par Mercator Ocean International peut fournir des éléments de réponse. Jérôme Gasperi, expert en système d’information géographique et en valorisation des données, a présenté cette réplique interactive de l’océan qui constitue un outil de simulation et d’aide à la décision et permet notamment de simuler l’impact d’activités humaines. Ensuite, des ateliers animés par le centre d’expertise Rivage Pro Tech ont permis d’en apprendre plus sur l’utilisation du numérique dans la gestion locale des déchets marins, l’analyse et le suivi de la qualité des eaux de baignade ou encore le développement de modèles prévisionnels concernant les risques de submersion dans des zones bien fréquentées du Pays Basque.
La journée s’est poursuivie par une présentation des missions du Conseil, de la démarche Itinéraires numériques et un échange sur le rapport émotionnel que nous entretenons avec le numérique. S’en sont suivies une présentation de la startup Sophia Genetics, qui utilise le cloud, le big data et l’intelligence augmentée au service du traitement de cancers et de maladies rares sur toute la planète puis une présentation croisée d’Olga Kokshagina et Rémi Bochard sur le sujet de l’économie et écologie de l’attention. “Savez-vous quel est le premier concurrent de Netflix pour son fondateur ?” demande alors Rémi Bochard aux cadres présents, “le sommeil !” abonde-t-il en référence à la phrase de Reed Hastings, dirigeant de Netflix. L’échange autour des modèles économiques des plateformes et des réseaux sociaux que nous utilisons toutes et tous suscita un vif intérêt. Rémi Bochard, relatant sa courte expérience d’utilisation de TikTok, appelle enfin les cadres de la CAPB réunis à expérimenter ces différents modèles de réseaux sociaux pour se rendre compte de la force des modèles de captation de l’attention, tout autant qu’à déconnecter et à se ménager des espaces sanctuarisés pour échapper à l’injonction de l’urgence et de l’immédiateté.
Jour 2 : un numérique au service des agriculteurs… et de l’agriculture
Vendredi, nous avons rencontré de nombreux acteurs du monde agricole et découvert plusieurs projets conduits par la CAPB et des agriculteurs. Au fil de cette deuxième journée s’est dessiné le caractère éminemment politique du numérique agricole.
A Hasparren, en compagnie d’Isabelle Pargade, maire de la commune et vice-présidente de l’agglomération, chargée de l’agriculture, nous avons tout d’abord échangé avec des jeunes futurs agriculteurs en formation à l’Agrocampus des Pyrénées-Atlantiques. De ces échanges se dégage un rapport au numérique déjà emprunt d’expériences professionnelles variées. Le numérique y est utile, pratique (facilitant le suivi des troupeaux ou la traite des vaches) mais parfois source de difficultés (“la tablette pour la traite, parfois, j’y comprends rien”, raconte un étudiant dépité).
La mobilisation d’outils numériques dans un cadre professionnel modifie le rapport à ces derniers : le numérique n’est plus seulement récréatif et communicationnel (comme c’est fréquemment le cas dans les échanges que nous avons avec des élèves de filière générale). Il faut alors apprendre à l’utiliser, et cet apprentissage vient souvent des “patrons”, qui eux-mêmes le pratiquent déjà sur leurs exploitations
Il en découle une vision pragmatique de ces outils, acceptés parce qu’ils facilitent la vie quotidienne, mais néanmoins source de méfiance. Un étudiant faisait ainsi part de sa crainte de ne plus savoir faire son métier si les outils cessaient un jour de fonctionner, ou étaient plus difficilement accessibles.
Le numérique au service des agriculteurs, c’est également le mot d’ordre qui entoure le projet ZABAL, une plateforme d’open data agricole pilotée par la communauté d’agglomération. Plusieurs objectifs sont affichés : valorisation des données collectées sur les exploitations, mise à disposition d’un outil d’aide à la décision, tant pour les professionnels que pour les politiques, et transparence à destination des citoyens.
Après un échange convivial avec des élus et agriculteurs sur le salon de l’agriculture basque Lurrama, nous avons échangé dans une exploitation d’Ustaritz (la ferme Landaldea), autour de l’utilisation qui y est faite d’un robot développé par une entreprise de l’écosystème aérospatial toulousain, connecté programmé pour faciliter le labour, la semence, le désherbage et la récolte. Un outil qui simplifie un peu la vie des exploitants, mais qui demeure un outil, sans être source d’illusion.
Deux journées, donc, pour découvrir un numérique au service des habitants du Pays Basque, preuve que ces outils, éminemment politiques, peuvent être pris et repris en main dans un objectif de bien commun.