Cénum - La lettre du Conseil #71 - Cultiver la richesse des réseaux

Le Conseil national du numérique appelle à refonder notre environnement numérique sur deux propositions clés : l’étude de la répartition de la valeur entre les acteurs de l’économie numérique et l’ouverture des réseaux sociaux à des innovations tierces.

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Cette semaine, le Conseil national du numérique publie une note faisant suite à l’audition de Joëlle Toledano et Anne Alombert, membres du Conseil, par les Etats généraux de l’information. Deux propositions particulièrement structurantes y sont portées :

  • Étudier de manière indépendante et impartiale la contribution à la création de valeur des acteurs de l’économie numérique.
  • Penser les conditions de l’ouverture des réseaux sociaux à des innovations tierces.

Aujourd’hui, la capacité de chacun à créer, partager ses idées ou juste à vivre et communiquer en paix peut être fortement contrainte par des systèmes économiques qui, sauf intervention publique, tendent à se refermer sur eux-mêmes altérant négativement notre environnement informationnel, économique, sociétal. C'est particulièrement vrai pour les réseaux sociaux et le problème peut prendre une dimension inégalée à l'heure de l'IA générative. Entre régulation économique, enjeux démocratiques, gouvernance institutionnelle et aspects techniques, retrouvez dans cette contribution les moyens pour renverser la tendance. Un agenda à porter au niveau européen pour les 5 années à venir !

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LE REGARD DE

Marc Faddoul est le directeur d’AI Forensics et membre d’un groupe de travail des États généraux de l’information. Il a porté de nombreux projets comme Youchoose.ai, un plugin de recommandation alternative sur Youtube. On le retrouvait dimanche dernier sur BFM TV pour les 20 ans de Facebook.

Les grandes plateformes du web, sont aujourd’hui les gardiens de l’accès à un bien commun : l’information produite par tous. Or, c’est cette même information qui devient la matière première de la transformation des usages portée par les IA génératives, en nourrissant leur apprentissage. Les géants du web abusent de leur position dominante pour continuer à concentrer l’essentiel des retombées économiques. La régulation économique est nécessaire pour rendre l’écosystème plus ouvert, transparent et équitable. A cet effet, l’introduction de tiers de confiance indépendants et d’intermédiaires variés entre les producteurs et les consommateurs d’information est essentielle. Cela doit se produire à différents niveaux : interopérabilité des contenus entre les plateformes et leurs systèmes de recommandations, ouverture à la concurrence pour la modération et la curation de contenus, mise en place de plateformes pouvant permettre une plus grande traçabilité des contenus exploités par les IA et permettre une juste rétribution… C’est un chantier conséquent, mais les solutions existent, et il est urgent d’en prendre la mesure avant que l’industrie ne se consolide plus encore au seul bénéfice des acteurs dominants existants.

Un peu de futurologie ? pas du tout ? ou ça dépend ? Nous n’étions pas revenus sur le CES, mais profitons-en pour évoquer la sortie tant médiatisée du Rabbit R1. Au-delà de la tendance et des prophéties non réalisatrices, ce terminal laisse imaginer le potentiel des Large Action Models, soit des modèles d’IA génératives qui, à très gros traits, ne se limitent pas à générer du texte mais à exécuter toute une série de tâches pour vous. Pour des personnes comme Bill Gates, nous pourrions imaginer un environnement numérique où l’ensemble de nos services sont intermédiés par un agent conversationnel qui deviendrait l’interface d’un contenu de synthèse. Ce qui nous amène à relire l’importante tribune d’Olivier Ertzscheid portant la notion de « web synthétique ».

Dans ce monde possible d’intermédiation au carré (on vous laisse apprécier de sa désirabilité) de nombreuses questions se posent : quelle redistribution de la valeur ? Quel accès aux ressources disponibles en ligne ? Quelle protection des producteurs et biens et services ? Les adeptes du Move fast and Break things n’en feront-ils qu’à leur tête ? Quel cadre imposer alors dès à présent pour que tout se passe pour le mieux et pour tout le monde ?

Dans son passage sur RTL Luxembourg, Gilles Babinet appelait à porter notre attention sur la question des travailleurs : un des risques serait alors que des « gens [perdent] leur emploi sans avoir le temps de se former pour faire autre chose ».

Ce qui est d’ores et déjà possible : reprendre la main sur nos réseaux sociaux. Le futur ne se fait pas (que) dans la tête d’un gourou ou dans la machine d’un ingénieur, il se fait par l’expression de nos volontés. Aujourd’hui les algorithmes des réseaux sociaux dominants nous sont largement imposés par ces derniers. Mais il peut en être autrement. C’est ce que nous prouve l’ouverture au public cette semaine de Bluesky dont la principale caractéristique est de permettre aux utilisateurs de choisir parmi des flux algorithmiques configurés par d’autres utilisateurs (Le Monde revient dessus). Pour choisir son algorithme, pas besoin de savoir coder, juste de savoir cliquer. Pensons au rôle de curation que pourraient alors avoir des intermédiaires de confiance comme les médias par exemple. Un point développé par Anne Alombert lors de l’audition précitée.

En dehors des applications, de nombreux plugins montrent eux aussi que réseau social ne rime pas avec « un flux imposé ». L’occasion de relire l’excellent article de Nolwenn Maudet sur le Design tactique, un mouvement porteur de fonctionnalités alternatives à celles proposées par les réseaux sociaux et qui nous laisse entrevoir ce qui serait possible – à commencer par nous extraire des contraintes générées par l’économie de l’attention – si nous décidions d’ouvrir les réseaux sociaux aux innovations qui leur sont extérieures. Que l’on parle de droit au paramétrage, de personnalisation, d’interconnexion, de dégroupage, il s’agit in fine de la même chose : ne pas se laisser enfermer et décider de nos expériences. 

EN BREF

Lors de la première édition de Tech & Fest, Olga Kokshagina et Eric Salobir ont tous deux rappelé les vertus encapacitantes de la parole et de la diffusion d'une culture numérique partagée (plus à venir) ✦ Dans Horizons Publics (à disposition), Louis Magnes revient sur le rôle que peut avoir le numérique pour repenser, dans le sens de renforcer et enrichir, nos liens sociaux. Une exigence à laquelle n’échappe pas la relation à l’administration ✦ Les 2 et 3 février, La société des communs rassemblait 200 experts à la Gaîté Lyrique. Entre de nombreuses autres prises de paroles très riches, nous avons entendu l’appel d’Anne-Laure Delatte à mettre un coup de projecteur sur la diversité et la richesse de ce mouvement et le rôle pivot que peut jouer l’Etat pour renforcer les alliances ✦ On s’y retrouve. En février, le Conseil participera à de nombreuses rencontres à travers la France. Retrouvez-nous le 15 février à Angoulême pour les Assises de l'éducation populaire, le 19 février à Digne-les-Bains, le 20 février à Gap pour deux éditions locales de Numérique en Commun[s] et le 21 février à Rennes, pour de nouveaux débats aux côtés du Conseil régional des jeunes de Bretagne. Si vous y êtes aussi, faites-nous signe. ✦ Inscrivez-vous ! Le 5 mars, retrouvez Dominique Pasquier, Dorie Bruyas, Anne Cordier et Grégoire Borst lors d’une conférence organisée par Le Monde sur « Internet et les jeunes : de quoi avons-nous peur ? » ✦ Enfin, parce qu’on y apprend toujours beaucoup de choses, voici l’agenda du Centre Internet et Société pour les semaines à venir.

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