EVARS : là où la famille se tait, l’école s'essouffle.
De nombreux Cafés IA à venir partout en France, on vous dit tout. ✦ La veille du Conseil : le reflux du social ? ✦ Emplois : l’IA générative agit déjà !
Bonjour, nous sommes le vendredi 14 mars 2025. Quelques jours après la journée internationale des droits des femmes, nous revenons cette semaine sur le besoin de reprendre le contrôle de nos espaces de dialogue en ligne pour les mettre au service d’une éducation positive à la vie affective, relationnelle et sexuelle. Bonne lecture !
EVARS : là où la famille se tait, l’école s'essouffle
Margot Godefroi
Là où la famille se tait, l’école s'essouffle. Les débats sur l’éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle (EVARS) s'enlisent dans une fausse alternative où l’on fait s’affronter l’intime et l’espace public. D’un côté, le cercle familial n’ouvre pas forcément le dialogue : sur un échantillon de mille personnes de 13 à 20 ans sondées en ligne, 44 % des 13-20 ans affirment n’avoir jamais parlé de sexualité avec leurs parents, et quand la discussion y a lieu, elle se limite bien souvent à la contraception. De l’autre, l'école est pressurisée sous des injonctions contradictoires : elle doit enseigner sans choquer, prévenir sans inquiéter, ouvrir sans brusquer, informer sans polémiquer.
Alors, les adolescents cherchent des réponses ailleurs. 56 % des personnes sondées disent utiliser internet pour s’informer sur la sexualité. Un espace qui leur ressemble, dont ils maîtrisent les codes et où la proximité est clé pour aborder ces sujets. Pourtant, Internet n’est pas l’eldorado et les plateformes que les jeunes publics fréquentent n’ont pas pour fonction l’éducation de la jeunesse. Les informations qui circulent alimentent une machine d’engagement, où chaque clic se monétise. Sur les plateformes en ligne, les algorithmes règnent sur la visibilité des contenus, souvent au détriment des contenus éducatifs et positifs sur la sexualité, régulièrement bannis au prétexte que leurs mots clés sont aussi ceux de contenus qui contreviennent aux règles opaques et changeantes des plateformes. Ce ne sont pourtant pas les initiatives qui manquent et il existe une riche communauté de créateurs de contenus qui cherchent à diffuser une connaissance sur la vie sexuelle, relationnelle et affective à destination de la jeunesse. À l’inverse, les contenus polarisants bénéficient d’une mise en avant accrue à la faveur de l’économie de l’attention, créant un déséquilibre où la balance penche toujours du même côté. Le scandale prime sur l’explication et la qualité de l’information en pâtit.
Que des individus partagent des informations fausses voire dangereuses, intentionnellement ou non, est une chose. Que les plateformes favorisent cette mécanique en est une autre. Plutôt que d’assumer leur responsabilité, elles s’en détournent, allant jusqu’à assouplir des règles de modération déjà fragiles. Certaines barrières tombent, comme celles qui limitaient les contenus haineux envers les femmes et les minorités sexuelles, pour l’instant principalement aux États-Unis. En parallèle, les contenus masculinistes et sexistes gagnent du terrain, et il est facile de se retrouver en quelques clics devant une vidéo d’un influenceur qui clame « Ton corps, mon choix pour toujours », ou d’un autre appelant à « punir une femme lorsqu’elle te manque de respect ». Dans son rapport sur l'état du sexisme en France en 2025, le Haut Conseil à l’égalité (HCE) s’inquiète de la progression des « réflexes masculinistes et comportements machistes chez les jeunes hommes adultes » : 52 % des 25-34 ans pensent qu’on « s’acharne sur les hommes ». À côté, on peut également s’interroger sur la viralité des contenus qui promeuvent une vision toxique des relations amoureuses, comme les dark romance, et banalisent une certaine romantisation de la culture du viol.
C’est dans cet environnement qui semble de plus en plus polarisé, où les fakes news se diffusent sans entraves y compris sur la sexualité, que les individus bricolent leur rapport à l’autre et à la sexualité avec ce qu’ils trouvent. Il y a donc urgence à renverser la vapeur et à utiliser l’espace d’ouverture et de liberté que constitue Internet au service d’une éducation positive à la vie affective, relationnelle et sexuelle, en la rendant disponible et accessible là où les jeunes publics sont déjà et en soutenant les créateurs et créatrices de contenus. En septembre 2023, le Conseil publiait un dossier sur l’EVARS, préconisant de donner le pouvoir d’agir aux utilisateurs et utilisatrices et aux créateurs et créatrices de contenus d’EVARS, notamment à travers la consécration d’un droit au paramétrage. L’usage des outils numériques devrait encourager le développement d'espaces d’interaction entre pairs, où les personnes sont actrices de leurs éveils, et non otages des algorithmes et où les créateurs et créatrices sont justement rétribués pour leur contribution à un commun de la connaissance sur l’EVARS. Pour ce faire, il faut reprendre le contrôle des réseaux sociaux, exiger qu’ils cessent de favoriser le pire. Parce qu’à force de laisser faire, on risque surtout de laisser tomber.
EVARS : On s’en parle
NEC local Parentalité numérique : des fiches pratiques sur l’EVARS en ligne. Mercredi 11 mars, nous étions à Saint-Peray en Ardèche à l’occasion du NEC local dédié à la parentalité numérique. Une journée dédiée à la sensibilisation aux enjeux numériques des professionnels de la parentalité du département pour développer leur culture sur le sujet, mettre en place des actions, découvrir des outils et partager leurs retours d'expérience. Joséphine Corcoral y a animé un atelier autour de l’EVARS en ligne visant à contribuer à des fiches pratiques à destination des acteurs concernés (parents, enseignants, utilisateurs de réseaux sociaux, victimes de cyberharcèlement et d’exposition à des contenus haineux voire illicites) : ressources, conseils, bonnes pratiques… Les propositions ont été nombreuses et alimenteront notre travail en cours - avec de nombreux partenaires - pour proposer prochainement ces fiches sur le site du Conseil.
Un très grand merci aux organisateurs de cette journée et à l’ensemble des participants aux ateliers.
Retrouvons-nous le 16 avril pour échanger autour de l’EVARS à Sciences Po. Dans la poursuite du partenariat entre le Conseil et le Programme d'études sur le genre de Sciences Po, nous organisons le 16 avril prochain une conférence sur le thème « Éveil à la vie affective, relationnelle et sexuelle : donner le pouvoir d’agir ». Dans un espace informationnel en ébullition, où nous naviguons entre des contenus tantôt émancipateurs tantôt toxiques, comment le numérique peut-il permettre de renforcer l’EVARS ? Une table ronde animée par Joséphine Corcoral avec :
- Claire Bey, cheffe du bureau de la santé et de l’action sociale de la Direction générale de l’enseignement scolaire (DGESCO) du Ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse,
- Philippe Martin, ingénieur de recherche en santé publique à l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), responsable du projet de recherche participative Sexpairs,
- Najat Vallaud-Belkacem, ancienne ministre, co-directrice du Certificat égalité femmes-hommes et politiques publiques de l'École d'affaires publiques de Sciences Po.
Où ? Amphithéâtre Claude Érignac, 13 rue de l'Université, 75007 Paris.
Quand ? Le 16 avril 2025 de 17h00 à 19h00.
🔎 La veille du Conseil
Le reflux du social ?
Les réseaux sociaux ont-ils atteint leurs limites ? The Verge et Vox Media viennent de publier une étude basée sur un sondage (2 000 personnes) qui montre que les utilisateurs migrent et souhaitent migrer vers des espaces sociaux plus petits et plus humains.
- 66% trouvent que la qualité de l’information se détériore sur les réseaux sociaux.
- 42% que Google devient moins utile. Mais cela ne signifie pas nécessairement que tous trouvent des solutions pertinentes aux problèmes qu’ils ressentent : si certains se tournent vers des communautés de niches, beaucoup embrassent de grandes plateformes comme TikTok ou ont recours aux chatbots IA.
- 60% des utilisateurs perçoivent les médias sociaux comme des régies publicitaires en continue,
- 90% pensent que les médias sociaux renforcent les divisions sociales et 94% qu’ils optimisent l’individualisme.
- Si l’IA est puissante, elle n’est pas toujours la bienvenue. Ils veulent que l’engagement reste piloté par l’humain. 50% cherchent des communautés qui interdisent le contenu généré par IA. Enfin, l’étude souligne que les communautés plus petites et axées sur un objectif sont l’avenir. “Le désir de communautés plus petites et plus intimes est indéniable. Les gens abandonnent les plateformes massives au profit de groupes soudés où la confiance et les valeurs partagées prospèrent et où le contenu est au cœur”.
Emplois : l’IA générative agit déjà !
Des chercheurs d’Oxford viennent de publier une étude qui montre l’évolution du nombre d’offres d’emploi pour les freelances s'adapte déjà selon que ces emplois sont substituables ou pas par des IA génératives. Plus les propositions d’emplois sont substituables, plus les offres diminuent en volume, notamment dans le domaine de l’écriture ou de la traduction. La diminution des offres se concentre également sur les profils juniors… alors que les offres d’emplois non concernées par les compétences de l’IA, eux, ne diminuent pas.
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☕ Les actualités de Café IA !
Vous reprendrez bien un Café IA ? Café IA continue à se structurer et à se déployer en toute autonomie partout en France. De très nombreux Cafés IA s’organisent partout en France : à Bastia ce soir, à Quimper, Troyes, Lyon et dans le Jura le mardi 18 mars, à Grenoble jeudi 20 mars autour d’une partie d’Aïe Aïe IA, à Figeac et à Villeurbanne le 25 mars et à Strasbourg le 27 mars (pour les alsaciens qui souhaitent organiser ou participer à des Cafés IA, n’hésitez pas à rejoindre ce groupe Linkedin, à l’initiative d’Alsace Digitale). Vous organisez prochainement un Café IA ? Vous souhaitez vous lancer dans la démarche ? Faites-nous en part à bonjour@cafeia.org.
Le Conseil s’engage également ! En début de semaine, nous étions à Rennes à l’occasion d’une étape du Tour France Num, accueillis par la CMA de Bretagne. Joséphine Corcoral y a animé un Café IA avec des chefs d’entreprises et collaborateurs de TPE-PME dans le cadre du partenariat noué avec France Num autour des Cafés IA au travail. Un très grand merci aux équipes de France Num, de la CMA et à l’ensemble des participants ! Toujours à Rennes, Cécile Ravaux était lundi et mardi au Forum des interconnectés, le rendez-vous du numérique et des acteurs publics, pour animer et participer à 4 cafés IA. Un très grand merci à tous les participants et aux animateurs : Quentin Pignon de Rennes Métropole et Erwan le Luron, de la métropole de Lyon.
Le 19 mars, dans le cadre du salon Talents for the Planet, Cécile Ravaux animera deux Cafés IA. Le 20 mars, nous serons à Nantes pour un cycle IA avec Audencia Alumni, La Cantine numérique et La French Tech Nantes. Après un Café IA à 13h30 à la Halle 6 axé sur les défis et perspectives en faveur des personnes en situation de handicap au travail, Joséphine Corcoral participera à une table ronde “L’IA Générative : quelle (r)évolution du travail et de l’emploi ?” à La Cantine.
Les Cafés animations, un espace d’échange autour de Café IA. Merci aux nombreuses personnes présentes hier pour échanger avec Louis Derrac autour de Future of IA, l’atelier déconnecté dédié aux élèves de lycée qui questionne l’IA et ses impacts. Pour en savoir plus sur le jeu et vous former, c’est par ici.
Pour vous inscrire aux prochaines sessions, c’est par ici !
Recrutement
Nous sommes à la recherche de trois profils pour venir nous aider à construire et faire vivre Café IA parmi de nombreux autres projets à venir :
- Une chargée ou un chargé d'animation,
- Deux rédactrices ou rédacteurs (ici et là).
🏃 En bref... Le reste de l’actualité du Conseil !
IA : la voie citoyenne. En attendant de vous faire un retour plus complet sur la matinée d’échange du 7 février au Conseil économique social et environnemental, le CESE a réalisé de courtes interviews en vidéo de certains des participants : Estelle Hary et Soizic Pénicaud, co-fondatrices de l'Observatoire des Algorithmes publics (ODAP), David Gaborieau, sociologue du travail et Martine D., citoyenne tirée au sort, intégrée à la commission temporaire "Intelligence artificielle" du CESE. ✦ « Les algocraties contemporaines pourraient peut-être alors retrouver le chemin de la démocratie, renouant ainsi avec l’idéal qui était à l’origine du web – à savoir, la libre circulation des idées dans un espace médiatique partagé. » Face à l’hégémonie des géants du numérique sur les algorithmes, Anne Alombert appelle dans AOC à reprendre la main en imposant le dégroupage des réseaux sociaux commerciaux, en investissant dans la recherche et le développement de systèmes de recommandation collaboratifs, qualitatifs et citoyens et enfin, en développant et soutenant des réseaux sociaux alternatifs non-commerciaux et décentralisés. Autant de leviers nécessaires à la mise en place de réseaux vraiment sociaux et démocratiques et à un plus grand pluralisme algorithmique.
👋 Avant de partir
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Comme d’habitude, n’hésitez pas à nous faire vos retours. Vous avez des questions, des remarques ou des suggestions ou vous souhaitez que nous abordions un sujet en particulier ? Nous sommes à votre écoute ! N’hésitez pas à nous écrire à info@cnnumerique.fr.
Cette lettre d’information a été préparée par Margot Godefroi, illustrée par Magali Jacquemet et réalisée avec le soutien de Gabriel Ertlé et Hubert Guillaud.