Liberté Vs. Liberté ?
Ce qui se passe 7 février au CESE sur la route du Sommet pour l'action sur l'IA. ✦ On se donne rendez-vous à Tech&Fest les 5 et 6 février. ✦ Le diagnostic automatisé n'est pas qu'une question technique. ✦ Après la reconnaissance faciale, la reconnaissance des lieux.
Liberté vs. Liberté ?
Jean Cattan
Beaucoup de choses sont dites au sujet de Musk, de la liberté d’expression, du libéralisme, ou plutôt des libéralismes européen et américain. Parmi les défenseurs de Musk et de sa conception de la liberté d’expression, peu semblent avoir conscience de la dimension fondamentale du choix que nous avons fait en Europe de penser l’action publique en faveur de la construction d’une société ouverte et égalitaire, tant sur le plan économique que sur le plan sociétal. Un choix qu’ils battent en brèche non pas pour nous proposer une société où il ferait mieux-vivre, ce qui serait probablement à envisager, mais au contraire pour nous faire retomber sur une situation que nous ne connaissons malheureusement que trop.
Deux libéralismes sont dans un bateau… Historiquement, selon les tenants du libéralisme classique, la liberté se pense à côté de l’intervention de l’Etat. État dont elle doit être préservée pour assurer la libre initiative et la libre expression de l’individu. Mais ce libéralisme ne fonctionne pas car il se transforme inéluctablement, comme cela a été très justement et fréquemment rappelé ces jours-ci, en loi du plus fort. Sur le plan de l’économie numérique, cette pensée aboutit inexorablement au monopole loué par Peter Thiel dans From 0 to 1 et à la reconstitution de quelques dominions sur nos espaces de communication. Aujourd’hui, ce libéralisme-là prend une forme outrancière en matière de liberté d’expression et devient l’apanage de quelques pseudos libéraux.
C’est un libéralisme que nous avons dépassé il y a bien longtemps et fort heureusement, notamment en ce qu’il emportait avec lui une domination de l’ensemble du corps social par une poignée de puissants. Beaucoup ont cité L’Ordre du jour d’Éric Vuillard ces temps-ci. Et à raison, car c’est précisément contre cette alliance de la puissance industrielle et du politique que nous avons pensé la société ouverte garantie et instituée par l’Etat de droit. C’est le modèle libéral européen. Quel que soit notre positionnement politique à son égard, il est important de le comprendre sinon on ne comprend pas ce qui nous distingue des pseudo-libertariens d’Outre-Atlantique et de leurs quelques émissaires français. Et on ne comprend pas le rôle de l’autorité publique pour la liberté.
Ce que nous avons tenté en Europe au sortir de la Seconde guerre mondiale est décrit par Michel Foucault dans Naissance de la biopolitique. Il s’agit de la mise en œuvre à l’échelle européenne de l’ordolibéralisme, dont la pensée originelle remonte à l’Allemagne de l’entre-deux-guerres. À l’inverse du premier, ce libéralisme-ci porte la construction de la concurrence et de la liberté par la puissance publique et non plus à côté d’elle. Il constitue l’essence du projet européen actuel. Qu’on lui soit opposé ou non, il intervient tout à fait en phase avec notre conception de la liberté d’expression. Cette liberté se construit et se préserve non pas pour assurer la possibilité de l’excès et ce qu’il emporte comme danger, mais au contraire pour s’en prémunir. C’est là l’essence même du travail de régulation. Lorsque celui-ci n’est pas correctement réalisé, comme c’est malheureusement le cas aujourd’hui en Europe, nous nous trouvons exposés à tous les vents, en plein milieu d’une tempête sur l’Atlantique. Et la régulation est tristement assimilée à une restriction de liberté, là où elle emporte en réalité la vocation strictement inverse : à savoir imposer des obligations à des opérateurs surpuissants qui sinon limitent la liberté du plus grand nombre.
Portabilité et interopérabilité, toujours et encore. Très prosaïquement, réguler pour la liberté reviendrait d’abord à permettre la mobilité des utilisateurs entre les différents réseaux sociaux. L’équivalent d’une liberté d’aller et venir que des personnes comme Musk et autres refusent justement pour capturer leurs utilisateurs et en faire des spectateurs contraints de subir leurs frasques.
De nombreuses personnes ont vilipendé le collectif HelloQuitteX. Mais si ce collectif existe c’est d’abord parce que les textes que nous avons sur la table ne permettent pas de contraindre les entreprises de prendre en charge la portabilité des utilisateurs de réseaux sociaux. Ce collectif, avec son peu de moyen et beaucoup d’énergie, exprime la nécessité de penser la portabilité et montre qu’elle n’est pas hors de portée. Non c’est d’abord une affaire de volonté politique.
Cette portabilité, nous avons su la penser et la construire dans d’autres secteurs. C’est ce qui permet à tout un chacun d’assurer le transfert de son numéro de téléphone d’un opérateur téléphonique à un autre, sans rien avoir à faire d’autre que de souscrire chez son nouvel opérateur et d’indiquer votre RIO. Aujourd’hui, cela se fait dans tous les sens, sans plus de tracas. Pourquoi ? Parce qu’il y a des autorités qui ont forcé la main aux opérateurs alors dominants pour qu’ils laissent partir leurs clients. Le régulateur a organisé ce processus transactionnel, il en a défini les conditions technico-économiques. Sans cette action publique, il n’est pas de liberté de l’utilisateur d’aller d’un opérateur à l’autre. Il n’y a qu’un enfermement des utilisateurs par les opérateurs dominants. Bien évidemment, construire une telle obligation sur les réseaux sociaux est bien plus compliqué. Le défi est grand. Mais ce n’est pas une raison pour ne pas nous y consacrer.
Nous pourrions même prolonger le trait. Sans intervention publique en faveur de l’interopérabilité, une personne qui est sur un réseau donné ne peut pas communiquer avec une personne qui est sur un autre réseau que le sien. C’est exactement la situation à laquelle nous faisons face en matière de réseaux sociaux. C’est pourquoi l’interopérabilité et la portabilité sont des exigences absolument majeures, non seulement pour des questions économiques, mais on le voit aujourd’hui pour des questions sociétales et politiques. Et c’est le rôle d’une autorité publique que d’instaurer ces régimes d’interopérabilité et de portabilité, autant d’exigences portées depuis longtemps par le Conseil national du numérique et par de très nombreuses organisations. Nous voyons aujourd’hui qu’il y a urgence en la matière et la raison d’être de l’Union européenne. Ou sinon, en effet, nous n’avons plus qu’à mettre la clef sous la porte.
Il y a trois ans, la défense de l’interopérabilité et de la portabilité a touché les limites du législateur européen. En matière de portabilité, le DMA n’offre qu’une faculté. C’est-à-dire que, tout comme dans le RGPD, la portabilité y est conçue comme un processus qui reste à la charge de l’utilisateur et qui embarque de nombreuses incertitudes et impossibilités. Vous n’êtes sûrs de rien donc vous ne migrez pas. Ce sont de mauvaises dispositions car elles ne portent aucune obligation de prise en charge du processus dans son ensemble par les entreprises. Le droit de l’utilisateur à migrer doit à l’inverse s’accompagner de la prise en charge intégrale et sans friction de la portabilité par les opérateurs économiques. Tant que les institutions n’auront pas agi, on ne pourra reprocher à des collectifs de se livrer à ce travail par eux-mêmes pour pallier les défaillances d’une puissance publique qui n’a pas fait son travail. Il en va de même pour l’interopérabilité. Celle-ci a été pensée dans le DMA pour les services de messagerie interpersonnelle et a renvoyé celle qui concerne les réseaux sociaux aux calendes grecques. Mais, nous avons une clause de révision qui nous attend dans le DMA et nous devons nous en saisir dès à présent pour construire l’interopérabilité et la portabilité sous la forme d’obligations imposées aux plateformes.
Sans action en faveur de la portabilité et de l’interopérabilité, les utilisateurs se trouveront sans cesse face à un choix cornélien. Quitter ? Rester ? Comment rester ? Comment partir ? Toutes ces questions sont pour beaucoup insolubles car en réalité elles ne devraient pas se poser. Elles ne se posent que parce que le législateur européen est resté au milieu du gué. C’était pourtant son rôle : empêcher une poignée de milliardaires de décider pour le plus grand nombre. Et c’est le travail de la régulation : construire un espace économique ouvert au service de l’intérêt général beaucoup plus que d’en assurer la surveillance. C’est pourquoi assimiler le DMA et le DSA à de la régulation est un non-sens. Ce sont des règlements qui mettent l’autorité publique en second, voire troisième rideau dans une posture très délicate de surveillance des acteurs économiques. Malheureusement, c’est la notion de régulation qui a ainsi été dévoyée en étant associée à des textes de simple mise en conformité.
« Des protocoles, pas des plateformes » (Mike Masnick, 2019). Mais au fond, notre principale erreur – et elle est collective – c’est d’avoir fait de la plateforme le modèle dominant d’organisation de notre espace informationnel. La plateforme vient avec de nombreux avantages, c’est certain et ils sont innombrables : commodité, accessibilité, sécurité, effets de réseaux positifs, etc. Mais en ce qu’elle emporte par nécessité une forme de centralisation de la prise de décision, elle devient un problème d’un point de vue économique, entrepreneurial et sociétal. Plus personne n’est libre et tout le monde tombe sous le coup d’un modèle économique donné. Soit qui nous vampirise, soit qui crée des systèmes d’accès à géométrie variable. Si bien que lorsque le théâtre de notre conversation collective tombe sous le contrôle d’un tenancier qui n’a pour ambition que de nous exposer à ses excès, nous nous retrouvons sans moyen d’action. Ou presque… Les réponses aux problèmes que nous nous posons, à la fracture qui est en train de se jouer, existent mais ils sont d’ordre structurel.
C’est là que le protocole libre et ouvert devient la solution. C’est là qu’ActivityPub intervient. C’est là qu’AT Protocol intervient. C’est là que l’initiative FreeOurFeeds.com est importante. Dans la poursuite des protocoles constituants d’internet, du mail, du RSS, du pair-à-pair, du Web, du Wi-Fi... Nous devons penser le protocole libre pour ce qu’il nous apporte, pour sortir du monde des plateformes fermées. Comme le rappelle Henri Verdier, « l’architecture est politique ». Et quand, pour schématiser, nous sommes passés d’un monde de protocole à un monde de plateformes, nous avons perdu une bataille politique dont nous payons massivement le prix tous les jours depuis plus de 15 ans. Nous payons le prix de la centralisation du pouvoir de décision. N’en déplaise aux hérauts du libéralisme, qui ne sont en réalité que les hérauts d’une forme de domination sur les autres : ils auront besoin d’institutions, émancipatrices cette-fois, et d’efforts collectifs pour assurer la liberté de tous. C’est l’essence du projet européen.
Sortir du miroir déformant de notre relation aux Etats-Unis. A travers ce projet, il est bien certain qu’il ne s’agit pas de contraindre la possibilité des uns et des autres d’innover, d’inventer, de proposer toutes ces choses diverses qui nous émerveilleront demain et auxquelles nous ne pouvons même pas penser aujourd’hui. C’est exactement le contraire. En agissant sur les infrastructures et en promouvant des protocoles ouverts, il s’agit de rendre possible, de proposer des fonctionnalités et des services qui se complètent et s’enrichissent les uns les autres. Ce qu’aujourd’hui des personnes comme Musk, Zuckerberg ou d’autres ne font pas. Ces personnes sont des entraves à la possibilité de simplement proposer pour ne penser que leur innovation. Alors même que ce qu’elles emportent comme modèles sont des modèles destructeurs. Des modèles destructeurs de notre environnement, de notre économie et de notre société. Les grandes plateformes ne sont en aucun cas des solutions. Et le comportement de leurs dirigeants, qui cherchent à s’absoudre de l’application du droit en se réfugiant dans les jupons du politique, est absolument pitoyable. Ils auraient grand à gagner pourtant à défendre cette approche structurelle. Là encore, ils font preuve d’un court-termisme sans nom.
Les États-Unis sont dans un pétrin impossible à dénouer. C’est en effet leur liberté d’expression qui, comme le rappelait Gilles Paris dans son article du Monde, fait que le politique peut être financé sans limite. Là où les plafonds que nous imposons sur nos campagnes électorales sont probablement l’une de nos meilleures protections. C’est le socle constitutionnel américain qui n’assure pas de continuité dans l’exercice du politique et l’encadrement des acteurs économiques. C’est leur système qui fait que leur Cour suprême peut décider que finalement les autorités indépendantes n’auront pas de capacité à interpréter des lois comme le Telecommunications Act et de ce fait ne pourront pas agir pour, par exemple, défendre la neutralité du net. Là où précisément l’Europe peut agir pour justement imposer ce principe d’égalité fondamental, précisément parce qu’il permet à tout un chacun de proposer des idées nouvelles et de tenir des discours libres. C’est enfin leur système juridique qui fait que toute l’administration chavire au moindre changement politique. Ce qui est une catastrophe pour toutes celles et ceux qui, là-bas, souhaitent protéger l’économie et la société de l’impact des Big Tech et placent dès lors leurs espoirs dans l’Europe. Oui une part des Etats-Unis nous regarde avec envie. L’envie d’agir sur ces plateformes et leurs dirigeants. Une envie qui nous oblige et qui ne doit aucunement se laisser dompter par quelques outrages supplémentaires. Ceux-ci auront lieu de toute façon.
Sur la route du Sommet pour l'action sur l'IA
Merci pour votre intérêt et vos nombreux retours sur nos événements du vendredi 7 février qui affichent déjà complet. Aujourd’hui, nous vous présentons plus en détail le contenu de la matinée « IA : la voie citoyenne », qui aura lieu au CESE. À cette occasion, nous organisons deux débats avec le public.
Un premier portera sur les enjeux démocratiques. Y témoigneront à la fois des collectivités qui ont accompli des exercices citoyens sur l’IA, pour nous dire ce que ces débats ont produit et leurs limites. Témoigneront également des représentants de la société civile qui rendront compte de ce que les déploiements techniques produisent. L’association Changer de Cap évoquera les enjeux des décisions automatisés sur les bénéficiaires de la CAF. L’Observatoire des algorithmes publics dressera un premier bilan de son travail pour nous montrer en quoi la documentation des systèmes par les citoyens peut nous aider à les améliorer. Le Défenseur des droits rappelera comment l’algorithmisation de l’administration devrait renforcer les droits des usagers. Le professeur de droit, Thomas Perroud, auteur de Service publics en communs, livrera un plaidoyer pour que les services publics s’ouvrent à leurs publics.
Mais l’essentiel du temps de débat sera surtout un échange ouvert avec la salle, où le public sera invité à témoigner, réagir et faire des propositions afin que la technologie nous permette de renforcer le lien avec le public plutôt que le défaire.
Le second débat de la matinée portera, lui, sur les enjeux de l’IA au travail. Le syndicat Solidaires Finances Publiques témoignera des effets du développement de l’IA aux Impôts, sur les agents. Le sociologue David Gaborieau, lui, évoquera l’impact du numérique sur les travailleurs de la logistique. La CNIL exposera comment le RGPD peut être une piste pour limiter l’intensification des cadences. Puis ce sera au tour des nombreuses organisations représentatives et services publics de s’inviter dans ce débat, dont on ne doute pas qu’il sera riche et nourri.
En organisant cette matinée avec et au CESE, nous avons voulu introduire un moment de débats et de discussions plus que d’interventions liminaires. L’idée est de conjuguer les rôles du CESE et du Conseil dans leurs missions d’organisation de la participation, de médiateurs d'échanges entre citoyens et institutions. Ce sera donc d’abord un moment d’écoute et d’échange, de témoignages et de propositions pour qu’on tente ensemble, en écoutant les voix citoyennes de l’IA, de trouver la voie citoyenne de l’IA.
🗞️ Les actualités de Café IA
Café IA à Tech&Fest. Rendez-vous les 5 et 6 février 2025 à Grenoble pour Tech&Fest. Pendant deux jours, le Conseil animera un espace pour débattre, expérimenter, dialoguer et créer ensemble les conditions d’une appropriation collective de l’IA. Venez échanger à nos côtés et prendre part aux nombreux ateliers proposés sur notre espace aux côtés de Latitudes, Datactivist, Wikimédia, Réseau Canopé ou encore l’Aract. On vous en dit bientôt plus sur le programme ! Vous êtes un acteur local et souhaitez venir sur notre espace ? Écrivez-nous à bonjour@cafeia.fr.
Comment organiser votre premier Café IA auprès de votre structure professionnelle ? Merci aux nombreuses personnes qui ont participé aux échanges ce jeudi à l’occasion d’un Café animation dédié au nouveau module IA & Travail. Nous espérons vous avoir partagé quelques clés pour organiser votre premier Café IA auprès de votre structure professionnelle ! Nous vous donnons rendez-vous jeudi prochain à 13h30 et en ligne pour un prochain café animation pour une présentation du jeu Aïe aïe IA, co-construit avec la Métropole de Lyon et des médiateurs et médiatrices numériques. Inscriptions.
🔎 La veille du Conseil
Le diagnostic automatisé n'est pas qu'une question technique. Utiliser l'IA pour accomplir des diagnostics médicaux parvient à des résultats qui dépassent les performances des médecins, rapporte le New Scientist. Une autre étude sur le dépistage du cancer du sein auprès de 400 000 femmes vient de montrer que les radiologues qui ont utilisé l'IA ont détecté 17,6% de cas de plus que les radiologues qui n'y ont pas eu recours.
Mais ces scores élevés ne signifient pas que nous devrions privilégier les IA aux médecins humains, ou nous tourner vers un chatbot pour les diagnostics, explique l'un des auteurs de l'étude, qui rappelle qu'il est nécessaire d'interroger les tests d'évaluations que nous faisons faire aux machines. Le risque est que nous passions à côté d'une grande partie du processus de diagnostic. Les systèmes de diagnostic par IA ne savent pas prendre en compte ce que les patients peuvent avoir du mal à exprimer, ce qu'un examen complémentaire révèle, et le fait que les symptômes, en médecine, soient rarement clairs. Les difficultés de diagnosticT sont complexes car les symptômes s'entremêlent et parce qu'il est difficile d'évaluer ce qui est pertinent. Malgré ces résultats, nous ne devrions pas considérer les réponses des IA comme étant meilleures que celles des professionnels de la santé, rappellent les chercheurs.
Le problème, conclut le New Scientist, est que les solutions techniques de diagnostics automatisés offrent une perspective pour répondre aux défaillances des systèmes de santé, au manque de personnel, à l'explosion des coûts... Dans l'équation de la prise en compte ou non de l'IA selon ses possibilités et ses limites, l'état même du système de santé est un facteur d'orientation déterminant.
Dans les tiraillements de la régulation. Dans une intéressante enquête sur le déploiement de réglementation à l'encontre de l'IA dans le reste du monde, Rest of the World constate que nombre de pays non occidentaux n'ont pas pris de décision de régulation de l'IA dans le but d'attirer les investissements technologiques. Beaucoup disent faire confiance aux grandes entreprises pour qu'elles auto-régulent leurs produits. Une vision plutôt pragmatique, qui clame : « L’innovation se produira. La réglementation suivra ». Les défenseurs des libertés civiles sont plus critiques évidemment, dénonçant le risque de far-ouestisation du déploiement technologique. D'autres soulignent que les règles des uns vont devoir converger avec les règles des autres. « Les pays doivent être libres de créer leur propre législation, mais il doit également y avoir un consensus sur les règles essentielles pour qu’elles puissent être appliquées efficacement ».
Après la reconnaissance faciale, la reconnaissance des lieux. GeoSpy est un outil capable de prédire l'emplacement d'où a été prise une photo en fonction des caractéristiques de l'image (végétation, architecture, distance entre les bâtiments...). Un outil commercialisé par l'entreprise américaine Graylark Technologies et qui semble très appréciée des forces de l'ordre et des agences gouvernementales, rapporte 404Media. Cet outil de reconnaissance des lieux peut se comparer à une reconnaissance faciale appliquée aux lieux. Une sorte de GeoGuessr automatisé, le jeu qui vous invite à retrouver où se situe une image de Google Street View le plus précisément possible.
Si les résultats ne positionnent pas toujours précisément l'image, ils indiquent bien souvent la ville où a été prise l'image, rapporte 404Media depuis les tests de l'outil que le média a pu réaliser avant que le service ne ferme son accès public. Si la communauté du renseignement open source utilise des techniques de repérage de ce type pour identifier les caractéristiques d'une image et tenter de la localiser, « le fait que Geospy fournisse ce service aux forces de l’ordre à grande échelle pourrait représenter une menace sérieuse pour le public » , estime Cooper Quintin de l’Electronic Frontier Foundation. Le problème que pose ce nouveau service dépasse cette seule utilisation d’ailleurs, puisque tout un chacun pourrait retrouver un emplacement, quelque soit ses intentions, que ce soit pour sauver une personne ou en harceler une autre.
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🏃 En bref... Le reste de l’actualité du Conseil !
« Je me demande si le fait d'avoir un réseau social européen changerait quelque chose au problème de fond, qui est celui du modèle économique plus que de la nationalité de l'entreprise. Un réseau européen qui se voudrait concurrent des Américains et construit comme ceux des Américains autour de la publicité ciblée, de l'économie de l'attention poserait des problèmes similaires ». Pour L’Express, Joëlle Toledano précise les cartes que peut jouer l’Union européenne face à l'influence des plateformes américaines en Europe : enjeux de régulation, sanctions, création de réseaux sociaux européens… ✦ « L’actualité nous enseigne une chose claire : lorsque les plateformes sentent la pression, elles cèdent (comme le montrent l’arrestation de Pavel Durov et l’inclinaison d’Elon Musk devant la justice brésilienne). C’est une bonne nouvelle, car cela montre qu’il est possible de les faire plier. Mais pour cela, il faut absolument faire évoluer la régulation des réseaux sociaux en mettant l’économie de l’attention au cœur de notre action ». Ce mardi, dans un colloque organisé par le Conseil d’État, Joëlle Toledano exprimait ses réserves et convictions sur ce qu’est et doit être la régulation européenne des réseaux sociaux. À revoir sur le site du Conseil d’État. ✦ « Le DSA ne nous permet absolument pas de réagir de manière assez rapide ». Interrogé par l’AFP sur une éventuelle suspension du réseau social X au sein de l’Union européenne, Jean Cattan est revenu sur les sanctions prévues par le règlement européen, ainsi que sur ses limites. À lire notamment dans La Nouvelle République. ✦ « On sera fort en restant sur nos bases. Le projet européen n’est pas un projet de superpuissance, c’est un projet de société ouverte. Nos repères doivent être ceux-là ». Il y précise ses propos dans un débat sur LCP sur le plateau de Ça vous regarde ? ainsi que sur BFM TV.
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Cette lettre d’information a été préparée par Jean Cattan et Hubert Guillaud, illustrée par Magali Jacquemet et réalisée avec le soutien de Gabriel Ertlé et Margot Godefroi.