Les conseillers numériques, mainteneurs du monde moderne
La Poste ouvre le débat avec un premier Café IA à Reims ✦ Une enquête sur les besoins des médiateurs et aidants numériques au sujet des algorithmes et de l'IA ✦ Au-delà de l’affaire Meta, le besoin d’agir en Europe ✦ AI Index 2025
Bonjour, nous sommes le vendredi 18 avril 2025. Cette semaine, nous vous proposons un édito sur les conseillers numériques, véritables mainteneurs du monde moderne.
Les conseillers numériques, mainteneurs du monde moderne
Qu’il s’agisse d’un atelier sur la création de contenus en ligne avec des adolescents dans une médiathèque, d’une formation à la protection des données personnelles au sein d’une association, d’une animation en pied d’immeuble pour accompagner les citoyens dans leurs démarches administratives, ou encore d’un Café IA, les conseillers numériques sont présents là où les besoins se font sentir, partout en France. Ils réalisent le tour de force quotidien de faire fonctionner un monde qui bugue. Ils font comprendre les dernières évolutions techniques, remettent du sens sur des pratiques qui n'en ont pas toujours. Ils prennent soin d'une population envahie par un numérique qui semble bien souvent dysfonctionner. Ils font partie des mainteneurs de la modernité qu'évoquaient Jérôme Denis et David Pontille dans Le soin des choses. Ceux qui sont déjà dans La désillusion de l’innovation qu’évoquaient Lee Vinsel et Andrew Russell. Ils sont de ceux qui prennent soin de la relation à la technicité du monde et qui tentent de corriger inlassablement ses erreurs, attentifs à ses fragilités dans un océan de promesses.
Mais leur rôle va bien au-delà : ils recréent des liens dans un monde où les écrans les fragmentent, favorisent la proximité dans le réseau global et renforcent le tissu social, tricotant les relations que le numérique distancie. Ils sont ceux qui réparent les relations, qui les maintiennent encore un peu. Ils sont un peu le premier ou le dernier liant des politiques publiques dématérialisées. Ils sont les femmes et les hommes sur le front de la numérisation, de l’innovation et du progrès technique. Sans eux, l’innovation se déroulerait encore moins bien qu’elle ne s’accomplit. L’arrivée de l'IA ne va probablement pas bouleverser leur métier, mais rendre leur réalité juste un peu plus complexe, avec mille questions nouvelles auxquelles ils devront apporter des réponses sur mesure. Mais nous pouvons espérer qu’ils seront encore là, pour aider, pour accompagner, pour relier ce qui est délié. Nos édifices sociaux reposent toujours sur les travailleurs de la première ligne. Dans le numérique, ce sont eux qui l’assurent. Ce sont eux qui reprisent les relations, qui tissent les interrelations, qui assurent l’implémentation concrète et effective des “solutions” des grandes entreprises du numérique comme des services publics, qui aident les usagers à faire fonctionner leurs logiciels, à faire leurs démarches auprès des services (pas tous publics d’ailleurs). Leur fonction devrait servir de modèle pas seulement aux services publics qui se sont déjà engagés dans ces dispositifs, mais également aux services privés qui en profitent sans toujours le savoir. Les associations de la médiation et de l’inclusion ont plus que jamais besoin que le secteur privé vienne les soutenir et reconnaisse le travail essentiel qu’elles fournissent en aidant leurs usagers à accomplir un service qu’ils n’assurent pas toujours. Car les médiateurs et les conseillers viennent aussi bien souvent aider les usagers à interagir avec leurs mutuelles, leurs banques et tous les services en ligne.
97 % des personnes accompagnées ont le sentiment d’avoir progressé. Déployé en 2021 dans le cadre du plan France Relance, le dispositif Conseiller numérique vise à professionnaliser et à structurer la filière de la médiation, à accompagner les citoyens dans leurs usages du numérique au quotidien, à les sensibiliser aux enjeux du numérique ou encore à accompagner les usagers dans la réalisation de très nombreuses démarches. En juillet 2024, deux enquêtes posent un premier bilan du dispositif et révèlent une réponse concrète à un besoin d’accompagnement au numérique partout et pour tous, y compris chez les jeunes et les salariés, mais également une capacité à tisser et nouer des liens entre les différents acteurs de la médiation numérique. En 3 ans, le nombre d’accompagnements réalisés par les quelque 4 000 conseillers numériques sur le territoire s’élève à 4 millions, et le bilan est édifiant. 97 % des personnes accompagnées ont le sentiment d’avoir progressé, 93 % estiment réussir des tâches qu’elles n’arrivaient pas à réaliser avant l’accompagnement, 60 % estiment être moins angoissés par la manipulation d’outils numériques et 83 % disent se sentir plus à l’aise avec les outils numériques après accompagnement. Surtout, dans une période marquée par la dématérialisation des démarches administratives, de la fermeture de guichets de proximité, souvent faite sans concertation, ou de lieux de sociabilité comme les cafés dans un contexte où les contacts humains se font plus rares, les conseillers numériques répondent au besoin d’avoir « des interlocuteurs physiques pour se repérer dans les questions numériques ». Une demande de proximité renouvelée dans l’édition 2025 du Baromètre du Numérique, que nous analysions la semaine dernière : « près d'un Français sur deux plébisciterait un service public de la médiation numérique pour améliorer leur appropriation des technologies numériques » alors que 85% des Français souhaitent « faire des rencontres en personne dans des lieux de vie quotidienne ».
Rôle de l’Etat. En 2023, Stéphane Delahaye, alors responsable du Hub du Sud, nous confiait qu’un tel dispositif a d’abord permis de mettre en lumière la médiation numérique comme espace de transmission des savoirs et manière de faire collectif : « Il faut savoir gré à l’État d’avoir réussi à mettre en place des dispositifs clairs et visibles tels que [...] les conseillers numériques. Cela permet aux services et aux actions d’accompagnement autour du numérique de commencer à être enfin identifiés par la population. » Une structuration qui, si elle vise à respecter une certaine égalité de répartition et d’accès sur le territoire propre à sa mission, se doit tout de même de tenir compte des besoins locaux : « La mise en place opérationnelle et le contenu mis en œuvre au sein des structures doivent néanmoins être suffisamment libres. En effet, le travail d’un conseiller numérique par exemple diffère selon la zone géographique où il se trouve : ce ne sont pas les mêmes besoins et cadres d’accompagnement dans la Creuse que dans un quartier prioritaire de la ville ! », comme le rappelle Pierre Mazet dans Réseaux.
Aujourd’hui comme demain, les conseillers numériques constituent un maillon essentiel pour construire un tissu démocratique de proximité résilient. Notre enjeu, en tant que société, est de nous assurer de capitaliser sur l’investissement humain (et financier) qu’ils représentent, afin de pérenniser leurs savoir-faire de l’écoute, de la transmission et surtout mettre en partage leur culture de l’attention à l’autre. Conseillers et médiateurs sont les rouages essentiels et trop invisibles encore d’une démocratie enrichie.
Se saisir de la démarche Café IA pour interroger nos choix collectifs. La démarche Café IA s’inscrit très fortement et naturellement en lien avec la philosophie de la médiation numérique. Elle permet de montrer encore un peu plus combien le numérique est l’affaire de tous. En instituant un cadre d’échange ouvert et distribué où les participants se parlent entre eux, s’apportent des réponses ou offrent un écho, un rebond. Car un Café IA est avant tout un moment d’échange circulaire où la parole va d’un participant à l’autre. Le rôle de l’animatrice ou de l’animateur est d’orienter l’échange, apporter des jalons, des éléments factuels, des ouvertures. Son rôle est aussi de s’assurer que chaque participant sera en capacité d’agir à l’échelle qu’il jugera la plus propice, que ce soit pour se former, expérimenter, s’engager, amorcer des processus professionnels ou citoyens, des formes de dialogues plus avancées. Enfin, on s’éloigne des débats brumeux pour tracer un chemin dès la sortie du café IA, seul ou à plusieurs. La démarche n’est pas faite que pour parler d’IA. Inévitablement, le moment technologique nous renvoie à des choix collectifs. Non pas tant sur la technologie que sur nos organisations, nos institutions, nos façons de travailler et de vivre ensemble, sur le sens qu’y mettent les autres, sur ce que nous nous estimons capables ou non de faire, sur nos envies et nos projections. C’est de tout cela dont il est question dans un café IA.
Depuis un mois, grâce à l’Agence nationale de la cohésion des territoires, la Mednum, la Banque des Territoires et Les Assembleurs, Café IA a l’honneur de rejoindre le socle de formation continue des conseillers numériques, accessible également aux médiateurs et aidants numériques, à travers une formation sur deux jours et la mise à disposition d’une mallette dédiée accessible en ligne. La formation vise à développer ses connaissances sur l’histoire, le fonctionnement et les impacts des IA, mais également asseoir leur posture d’animateur. Plus de 450 conseillers numériques se sont déjà inscrits aux sessions de formation organisées courant 2025.
- Pour en savoir plus sur les journées de formation organisées près de chez vous, consultez le calendrier des sessions et sachez qu’elles sont également ouvertes aux médiateurs numériques.
- La mallette Café IA est disponible en accès et sous licence libres sur Les Bases du numérique d'intérêt général. Conçue par la Mednum et Les Assembleurs en partenariat avec l'ANCT, la Banque des Territoires et le Conseil, elle vise à accompagner les animateurs des Cafés IA, mais aussi toute personne désireuse d’échanger sur l’IA de manière accessible et interactive. Elle regroupe des outils pédagogiques, des jeux et méthodologies pour aider à structurer les discussions, faciliter l’apprentissage et stimuler les réflexions collectives. Elle est disponible en version en ligne, imprimable et adaptable à votre guise.
- La mallette sera au cœur des échanges du Café animation de ce jeudi 24 avril à 13h30 en ligne. Inscrivez-vous pour découvrir ce support et le faire vôtre !
Et n’oubliez pas que le Conseil est là pour vous accompagner avec :
- Le site Cafeia.org. Il met à disposition des ressources pédagogiques conçues avec plusieurs partenaires, des conseils d’animation (organiser un Café IA en 4 étapes ou la recette inratable d’un Café IA réussi) ainsi que de nombreux formats d’animation pour débattre, écrire, expérimenter ou jouer pendant un Café IA. Autant d’éléments qui vous permettront de vous lancer dans votre premier Café IA.
- Les cafés animation du jeudi. Chaque jeudi de 13h30 à 15h, des Cafés animation sont organisés en ligne pour répondre à vos questions, permettre à des animateurs de Cafés IA de faire part de leur retour d’expérience et vous présenter de nouveaux formats d’animations de Cafés IA. N’hésitez pas à vous inscrire aux prochaines sessions.
- Cénum, la lettre d’information hebdomadaire du Conseil. Pour ne rien manquer de l’actualité de Café IA et être tenu au courant des temps d’échanges qui s’organisent chaque semaine partout en France, ne manquez pas de vous inscrire à la lettre d’information du Conseil.
- Une équipe toujours là pour vous répondre. Derrière l’adresse bonjour@cafeia.org, Cécile, Gabriel et le reste de l’équipe se tiennent à votre disposition pour échanger autour de votre projet de Café IA, vous orienter vers des ressources de formation et d’animation et vous rediriger vers des animateurs locaux. N’hésitez pas à nous écrire.
Témoignage de conseiller numérique : « Une belle énergie dès les premières minutes ! »
Dès le début, le format a su captiver l’audience. La Fresque “Humaine” des faits marquants de l’IA a particulièrement suscité l’enthousiasme et favorisé une vraie dynamique collective. Les échanges ont été riches, souvent empreints d’humour, et chacun a trouvé sa place. Plusieurs participants ont confié avoir appris des choses, mais aussi s’être sentis plus à l’aise pour poser des questions et partager leur point de vue. Un moment fort ? Cette phrase, lancée spontanément par un participant, qui a marqué les esprits : « L’IA, c’est un miroir — elle reflète ce qu’on lui montre.
Florent Renault, Conseiller Numérique, Communauté urbaine d’Arras.
☕ Le reste des actualités de Café IA !
La Poste ouvre le débat avec un premier Café IA à Reims. Le 11 avril, le bureau de poste de Reims Cérès a accueilli le tout premier Café IA du groupe. Co-animé par Nathalie Collin, directrice générale de la branche Grand Public et Numérique, Fatiha Gas, directrice Innovation Data/IA & Programme IA Génératives du groupe La Poste, et Gilles Babinet, le temps d’échange a permis d’aborder les implications concrètes de l’IA dans la société : ses promesses, ses risques, et surtout, ses usages au quotidien. Accompagnée par les 100 conseillers numériques du groupe, La Poste entend démocratiser la démarche dans le plus de bureaux de postes possibles. Ils reviennent sur l’événement ici, ainsi que l’Union.
Une enquête sur les besoins des médiateurs et aidants numériques au sujet des algorithmes et de l'IA. Dans le cadre du projet Algo->Lit qui vise à former les médiateurs et aidants numériques à la question de la transparence des algorithmes et de l’IA, porté sur le volet français par Datactivist et La Mednum, une enquête est réalisée sur les besoins des médiateurs et aidants numériques au sujet des algorithmes et de l'intelligence artificielle. Afin de développer des programmes de formation, ce questionnaire vise à :
- Connaître les besoins et les souhaits de ceux qui doivent expliquer les algorithmes à leurs publics,
- Identifier les algorithmes existants qu'ils souhaitent explorer,
- Et identifier les pratiques qu'ils mènent déjà au sujet des algorithmes ou de l’IA.
Vous êtes médiateurs, aidants ou conseillers numériques, responsables d'association d'éducation à l'information et aux médias, responsables de médiation dans une collectivité ou un service de l'Etat ? N’hésitez pas à répondre à l'enquête ici.
Café IA continue à se structurer et à se déployer en toute autonomie partout en France.
Cécile Ravaux, coordinatrice de la démarche, s’est rendue dans le Pas-de-Calais, à Arras, à l’occasion du Mois du Numérique pour Tous mené par la Communauté urbaine d’Arras. Cet événement comprenait de nombreux ateliers thématiques ouverts à tous, dont une semaine entière dédiée à l’intelligence artificielle. Dans ce cadre, plusieurs Cafés IA ont été organisés sur l’ensemble du territoire, dont le point d’orgue fut un Mega Café IA sur la Grand-Place d’Arras. Cette initiative inédite en France a notamment permis l’installation d’un Mur de l’Intelligence Artificielle, un dispositif original pensé comme un espace de concertation ouvert et collaboratif. Plus de 250 participants — citoyens, élus, acteurs du territoire — ont ainsi pu exprimer librement leurs idées, interrogations et visions autour des enjeux de l’IA : un véritable laboratoire d’intelligence collective ! Merci à tous les participants et à la Ministre de la Transition écologique, Agnès Pannier-Runacher, pour sa présence.
Joséphine Corcoral a animé mardi 15 avril un Café IA au Village des solutions de Paris de l’AFPA (Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes). Les Villages des solutions ont vocation à répondre aux problématiques croissantes d’insertion socioprofessionnelle sur le territoire. Une quinzaine de collaborateurs et collaboratrices de l’AFPA en Île-de-France se sont prêtés à l’exercice. Après une frise humaine pour retracer les moments forts de l’histoire de l’IA, les échanges nourris ont permis d’aborder les enjeux en matière d’emploi et d’accompagnement des personnes en réinsertion professionnelle, l’impact environnemental de l’IA, la créativité ou encore les biais algorithmiques. Un très grand merci à l’ensemble des participants et participantes !
De très nombreux Cafés IA s’organisent, notamment à Toulouse, Blois, Paris, Saint Nazaire, Rennes, Troyes, à Fursac dans la Creuse où encore à Paris samedi 19 avril, dans le cadre du sommet Change Now au Grand Palais, Dijon, le 25 avril ou à Ajaccio, le 28 avril, avec Réseau Canopé.
🔎 La veille du Conseil
Au-delà de l’affaire Meta, le besoin d’agir en Europe.
Cette semaine s’ouvrait aux Etats-Unis un nouveau procès à l’encontre de Meta. Difficile de passer à côté de cette information largement commentée (ici dans Challenges ou là par Le Monde par exemple). Pour faire court, la question est assez simple : est-ce qu’en rachetant Instagram et Whatsapp, Facebook s’est rendu coupable d’atteintes au droit de la concurrence ? Cette atteinte serait constituée selon la Federal Trade Commission (FTC) par le fait que Facebook visait à annihiler la possibilité même d’avoir des rivaux sur un marché qu’il dominait en tant que monopole (ce que l’on appelle des acquisitions prédatrices). Mais c’est là que la question, au cœur du procès, se pose : Facebook était-il alors en monopole ? La FTC dit que oui car le marché à considérer serait celui, plus étroit, des réseaux sociaux assurant des liens entre personnes et non celui, plus large, incluant des réseaux sociaux dédiés majoritairement au divertissement (parmi lesquels on retrouve Youtube par exemple).
Sans réellement pouvoir livrer de pronostic dans une affaire très politisée et loin de donner des arguments en défense de Meta, la lecture du marché des réseaux sociaux proposée par la FTC semble néanmoins compliquée à défendre : il y aurait les réseaux sociaux personnels et les réseaux sociaux dédiés aux médias. D’ailleurs, pour l’appuyer, dans la présentation venant asseoir sa plaidoirie, la FTC n’a trouvé d’autre source qu’un expert interne. Mais surtout cette analyse semble aller à l’encontre d’une réalité où au contraire - et c’est justement un réel problème sociétal -, les réseaux sociaux ont tous tendance à devenir des médias plus anti-sociaux (pour reprendre l’expression d’Anne Alombert, à lire dans AOC) que sociaux. En tant que médias, ils sont devenus un espace d’expression asymétrique, allant d’une minorité vers une très large majorité où les utilisateurs ne voient que ce qui leur est montré par l’entreprise qui maîtrise les clefs de l’algorithme, à savoir un fragment de ce qui est disponible (voir à ce sujet les travaux d’Ethan Zuckerman), où les interactions proprement personnelles se font relativement rares eu égard au temps de consultation, car l’architecture ne le favorise pas, et où il ne s’agit pas de mettre tout le monde à pied d’un même niveau de partage et d’exposition, seuls les plus dévoués pouvant répondre au haut niveau d’exigence imposé. C’est un constat fait de longue date : nous sommes sur ce continuum allant des réseaux aux médias sociaux avec une forte bascule vers la dimension médiatique du réseau social. Et cela concerne la quasi-totalité des services concernés depuis longtemps.
Or, le problème est que nous n’avons aucun outil légal aujourd’hui pour réellement tirer les conséquences de ce changement de nature. Car, de deux deux choses l’une, soit ces services sont des réseaux proprement sociaux et ils peuvent vivre avec un bagage légal restreint tel que celui imposé par le DSA, soit ils sont des médias et alors nous devons corser leur régime bien au-delà du contrôle des risques aux mains de la Commission. Pensons-y sérieusement avant les prochaines élections, il est encore temps même si nous sommes déjà très justes. Si bien que, en nous concentrant sur les définitions de marchés et les ambitions de démantèlement, remède qui serait proprement inefficace car ne ferait que démultiplier des écosystèmes fermés sujets à enshittification, nous risquons de passer à côté du vrai sujet.
Dans la relation adverse avec l’Europe que le gouvernement américain actuel essaie bien tristement de construire, l’affaire Meta nous indique où se situent les forces et les faiblesses des uns et des autres. Pour ce qui concerne les Etats-Unis, ceux-ci n’ont pour commencer que le droit de la concurrence pour arme, à défaut de pouvoir se doter législativement d’un arsenal de régulation. Ce qui tient en vrac à une instabilité politique permanente, elle-même due à des mid-terms trop fréquentes, une dépendance électorale aux entreprises ou encore à une conception archaïque du libéralisme trop largement répandue parmi les dirigeants américains actuels. Du côté européen, si nous voulons capitaliser sur nos forces, nous pouvons identifier pour atouts une autonomie plus forte du politique dans son rapport aux entreprises, une stabilité à l’échelon européen, des entités de contrôle véritablement indépendantes et une autre conception, plus ouverte peut-être, du rapport entre Etat et marché. Malgré cela, il est évident que, des deux côtés de l’Atlantique, le compte n’y est pas et qu’il est impossible de s’ériger en modèle. Donc, quelle que soit l’issue de cette nouvelle affaire Meta, bien imprévisible en l’état, elle nous oblige à mieux faire.
AI Index 2025
Le rapport annuel AI Index de l’Institut for Human centered artificial intelligence de l’université Stanford vient d’être publié. Chaque année, le rapport représente à la fois une synthèse et une somme indépassable pour comprendre l’évolution de l’IA. Parmi les enseignements de cette édition, rapporte l’IEEE Spectrum, les Etats-Unis ont toujours une longueur d’avance, les coûts d’entraînement des modèles explosent à mesure qu’ils se complexifient, mais les coûts d’interrogations chutent considérablement. Si l’efficacité énergétique progresse, la consommation énergétique globale de l’IA est à la hausse. L’écart de performance des différents modèles se réduit, mais les outils d’évaluation de leurs performances saturent. Si les investissements continuent d’être très élevés, les retours sur investissements, eux, restent à la peine.
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Cette lettre d’information a été préparée par Hubert Guillaud, Gabriel Ertlé et Jean Cattan et illustrée par Magali Jacquemet.