D’un conseil à l’autre

Le Conseil national du numérique amorce sa mue pour devenir le Conseil de l’intelligence artificielle et du numérique ✦ Café IA à VivaTech et sur les marchés cet été ✦ Lutte contre la désinformation ✦ « Plus que les contenus, c’est l’architecture du réseau social qui pose problème ».

Bonjour, nous sommes le vendredi 13 juin 2025. Cette semaine, le Conseil national du numérique amorce sa mue pour devenir le Conseil de l’intelligence artificielle et du numérique ✦ Café IA à VivaTech et sur les marchés cet été ✦ Lutte contre la désinformation ✦ « Plus que les contenus, c’est l’architecture du réseau social qui pose problème ».

Bonne lecture !

D’un conseil à l’autre

Vous l’aurez peut-être découvert dans la presse ou sur les réseaux, le Conseil national du numérique amorce sa mue pour devenir le Conseil de l’intelligence artificielle et du numérique (CIAN). C’est une étape importante dans la vie d’une institution, âgée de près d’une quinzaine d’années désormais. Cette initiative, portée par Mme Clara Chappaz, ministre déléguée chargée de l’Intelligence artificielle et du Numérique, répond à l’ambition d’apporter, avec toujours plus d'acuité, des clefs de réflexion et d’action en réponse aux enjeux des temps présents et à venir.

Dans ce mouvement, ce sont aussi les éléments fondamentaux de l’ADN du Conseil national du numérique qui se trouvent renforcés, à savoir : sa capacité à s’adapter aux enjeux de société présents et aux évolutions à venir, la recherche d’ouverture ou encore la volonté d’agir au sein de collectifs toujours plus élargis.

Comme énoncé dans le communiqué de presse dédié, le travail du CIAN sera ainsi conduit au sein de groupes de travail portant sur des sujets spécifiques, pilotés par des membres du Conseil et ouverts à des membres associés, sujet par sujet. Aussi, intégré au réseau du Haut-commissariat à la Stratégie et au Plan, le CIAN développera des coopérations renforcées avec les autres institutions du réseau dont le Conseil d’analyse économique, mais également avec des institutions comme le Conseil économique, social et environnemental et le Comité consultatif national d’éthique du numérique. De nombreuses autres précisions sont à venir, comme son identité graphique, son nom de domaine, ainsi que la liste de ses membres. L’ensemble sera dévoilé au moment de la publication du décret qui portera création officielle du CIAN.

A l’heure où cet avenir est en cours d’écriture, il serait impossible de dresser un inventaire de l’ensemble des idées qui ont été débattues, partagées, publiées par le Conseil national du numérique au cours de ses presque 15 années d’existence. Parfois, il a pu être en avance, juste à l’heure, en soutien, en décalage ou en opposition, pour voir ses opinions relayées ou attaquées. Quoi qu’il en soit, il n’en demeure pas moins que, par la contribution de tous ses membres, compagnons de route, personnes auditionnées, équipes du secrétariat général, mais aussi de toutes les personnes qui ont croisé son chemin, le Conseil a été un espace précieux, à commencer pour ce qu’il est : la marque de reconnaissance de la nécessité de créer des ponts entre la machine de l’Etat et tout ce qui lui est extérieur. Quelles que soient ses productions ou les personnes qui l’ont composé, le Conseil incarne un de ces canaux de communication entre les mondes. Bien sûr, cette communication se fait d’abord par d’autres biais, mais sans toujours être instituée, publique, transparente ou indépendante. D’aucuns diront qu’il n’y a peut-être pas lieu d’avoir d'institutions pour ça. L’existence du Conseil est d’ailleurs un fait unique à beaucoup d’égards. Tant que nous n’aurons pas inventé de modes plus poussés de démocratisation de la vie publique, la société aura cette voie-là pour toujours et encore faire porter sa voix dans la fabrique de la décision publique.

Et nous ne pouvons que tenter de capitaliser sur le fait que des espaces marqués du sceau de l’indépendance, comme ce qu’a été le Conseil ou comme sera le CIAN, soient nombreux dans notre pays. Tout d’abord, parce qu’aucune institution de ce type ne peut prétendre centraliser une réflexion sur le fait numérique ou sur l’intelligence artificielle, heureusement. Ensuite, parce que c’est par l'affrontement des idées et la distribution de la pensée que nous pourrons tenter de réduire les risques d’erreurs. On les appelle comités Théodule, on les qualifie de tous types de sobriquets, on fait perpétuellement peser sur eux l’ombre de la suppression sous couvert d’économies, pensant que les gens qui y travaillent y sont toujours payés, grassement à en entendre certains. Avant de se rendre compte qu’il s’agit là, certes de personnes distinguées, mais fournissant un travail bénévole et que, oui, certaines choses méritent d’être discutées.

A l’heure des totalitarismes renaissants, charriant avec eux une certaine vision de la technologie, faisant disparaître d’un trait de plume la moindre marque d’indépendance, nous avons plus que jamais besoin de cultiver ces espaces-là pour défendre une société ouverte. La République doit à la fois être au soutien et se nourrir des voix qui résident en tous points de la société, celles que l’on entend toujours que trop peu mais qui bien souvent portent une raison que la raison des mauvais temps n’entend pas.


☕ Café IA !

Retrouvez-nous demain encore à VivaTech !

Comme annoncé, Café IA s’est démultiplié sur le salon sur les stands ou sur scène à travers plusieurs interventions de Gilles Babinet.  Dès le 10 juin, à l’ouverture de Vivatech, c’est sur le stand de la Région Île-de-France que Gilles Babinet et Cécile Ravaux ont animé un nouveau Café IA, lançant les festivités de ce grand rendez-vous tech sous le signe du dialogue citoyen. Un très grand merci à la Région Île-de-France pour son invitation et à l’ensemble des participants et participantes pour ce riche moment d’échange et de débat.

  • Demain, samedi 14 juin, à l’occasion de la journée grand public du salon VivaTech : 
    Les équipes du Conseil et du ministère de la Culture seront présentes toute la journée sur le stand d’Inria pour y animer des Cafés IA autour d’une nouvelle version de compar:IA et vous faire participer aux « duels de l’IA ». N’hésitez pas à passer nous voir ! 
  • A 11h30, nous présenterons Café IA sur le Pavillon du numérique de l’Etat. 
  • Mais avant tout cela, nous animerons un Café IA en présence de Mme Clara Chappaz sur le stand d’Inria à partir de 9h15. Informations à venir sur les réseaux sociaux de la ministre. 

Café IA était à l’UNOC ! L’IA peut-elle contribuer à la préservation de l’océan et de la biodiversité ? C’était le sujet du Café IA organisé mercredi 4 juin à Nice dans le cadre de la Conférence des Nations Unies sur l’Océan. Un moment de réflexion collective co-animé par Rose-Marie Portelli, conseillère numérique du Département des Alpes Maritimes et Yacine Aït Kaci, ambassadeur digital des Nations-Unies. Pour en savoir plus, retour en images sur LinkedIn. Un grand bravo !

Le Conseil était présent au NEC Loire cette semaine pour animer deux Cafés IA auprès des 150 conseillers et animateurs numériques présents. Dorie Bruyas, présidente de la Mednum, et Hubert Guillaud ont présenté 6 scénarios pour questionner l'avenir de l'inclusion numérique. Le Conseil est également intervenu à la CCI de Belfort pour présenter Café IA aux conseillers numériques du territoire.

La semaine dernière, du 6 au 8 juin, le Conseil était au rendez-vous du Nantes Maker Campus, l’événement incontournable dédié à la créativité, à l’innovation et au DIY. Plusieurs Cafés IA ont rythmé ces trois jours au cœur des Machines de l’île, offrant des moments d'échanges joyeux et engagés autour de l’intelligence artificielle. L’occasion également de renforcer les liens avec les fablabs venus de toute la France, moteurs essentiels du déploiement des Cafés IA en région.

Les prochains rendez-vous

Eymoutiers, Saint-Etienne, Mougins, Figeac, Ploufragan, Avignon, Crozon, dans les Alpes-Maritimes à Sophia Antipolis le 20 juin et à Vence le 24 juin… Une cinquantaine de Cafés IA s’organisent partout en France ! Nous ne manquerons pas de vous les partager dans les semaines à venir !

À l’occasion des portes ouvertes de l’Hôtel de Ville parisien le samedi 21 juin, nous animerons un stand autour de l’IA de 14h à 18h. Au programme : duels de l’IA, mur de l’IA, échanges et débats… N’hésitez pas à passer nous voir !

Café IA s’invite sur les marchés cet été !

En partenariat avec Latitudes, nous proposons à 200 acteurs et actrices de la médiation numérique (conseillers et conseillères numériques, médiateurs et médiatrices, agents de collectivités, bénévoles…) de se mobiliser à nos côtés pour créer partout en France des espaces d’échanges sur les marchés et ainsi diffuser une véritable culture populaire du numérique !

Concrètement, ça fonctionne comment ?
1️⃣ Vous nous faites part de votre envie de déployer le Marché dans votre commune
2️⃣ On vous met à disposition des outils d’animation et un accompagnement individuel pour se former à la prise en main des outils
3️⃣ Vous allez à la rencontre des citoyens et citoyennes sur les marchés sur les créneaux de votre choix (en binôme avec un ou une bénévole Latitudes si vous le souhaitez !)

Qui peut participer ? Tout acteur ou actrice de la médiation numérique qui souhaite porter une action sur le sujet de l’IA.

Alors, envie de prendre part au Marché de l’IA avec votre commune et de créer des échanges sur notre relation à la technologie ? Les inscriptions sont ouvertes jusqu’au 30 juin pour un lancement entre juillet et septembre 2025. Pour nous faire part de votre intérêt, c’est par ici.

Nous ne manquerons pas de vous partager très vite les dates des premières éditions du Marché de l'IA !

Venez participer aux prochains Cafés animation, l’espace d’échange privilégié autour de Café IA !

  • Le 19 juin, pour imaginer collectivement de nouveaux formats d’animation de Café IA autour des 3 objets lauréats de notre Appel à faire ensemble.
  • Le 26 juin, les équipes de Datactivist viendront présenter la Boîte Noire de l’IA, un format ludique et pédagogique qui met en avant la matérialité et la réalité sociale et environnementale de l’intelligence artificielle, désormais accessible en téléchargement.

Et à partir du jeudi 3 juillet, nous vous proposons à travers les Cafés animation de consolider et de pérenniser à nos côtés le futur de la démarche, alors que Café IA entre dans sa 2e année. Ces espaces d’échanges, ouverts à tous et à toutes les contributions, viserons à penser le futur d’une démarche qui se doit de rester durable et démocratique, qui puisse tenir des impératifs financiers du monde de la médiation numérique, et qui s’inscrive dans une synergie positive avec les acteurs et filières relevant du secteur public, de l’éducation ou du monde du travail. 

Inscrivez-vous ici pour prendre part aux Cafés animation à venir.


🔎 La veille du Conseil

Lutter contre la désinformation

L’Institut Nicod publie un court et stimulant rapport sur la désinformation. Non seulement celui-ci débogue la simplicité des réponses cognitives que les politiques publiques ont tendance à proposer, mais surtout, repolitise la question. « Tant que les politiques publiques se contenteront de réponses réactives, centrées sur les symptômes visibles et ignorantes des dynamiques cognitives, sociales et structurelles à l’œuvre, elles risquent surtout d’aggraver ce qu’elles prétendent corriger. En cause : un modèle implicite, souvent naïf, de la psychologie humaine - un schéma linéaire et individualisant, qui réduit l’adhésion aux contenus trompeurs à un simple déficit d’information ou de rationalité. Ce cadre conduit à des politiques fragmentées, peu efficaces, parfois même contre-productives. »

Les réponses les plus efficientes à la désinformation passent par une transformation structurelle de l’écosystème informationnel, que seule l’action publique peut mettre en œuvre, en orchestrant à la fois la régulation algorithmique et le renforcement de médias fiables. La réduction des vulnérabilités sociales, économiques et institutionnelles constitue l’approche la plus structurante pour lutter contre la désinformation, en s’attaquant aux facteurs qui nourrissent la réceptivité aux contenus trompeurs - précarité, marginalisation, polarisation et défiance envers les institutions. Autant de pistes de réflexion et d’action qui rejoignent celles mises en avant dans Récits et contre récits. Itinéraires des fausses informations publié par le Conseil en 2021.

Défis numériques européens

Les économistes Bengt-Ake Lundvallet et Mariana Mazzucato regrettent, dans une tribune pour Le Monde, le manque d’inspiration du rapport Draghi pour renforcer la compétitivité européenne. Pour inventer un modèle européen durable, les Etats doivent, à l’image de la Chine, façonner les marchés, estiment-ils : « Il est nécessaire que les Européens poursuivent l’objectif inverse de celui du département de l’efficacité gouvernementale promu par Elon Musk aux Etats-Unis. Si la sécurité et la souveraineté de l’Europe dépendent de sa capacité à développer son propre secteur numérique, le rapport Draghi n’est pas assez ambitieux. Bien plus, la stratégie qu’il suggère, fondée sur les seules déréglementation et augmentation des investissements, n’est pas à la hauteur du défi ». 

Pour les deux économistes, l’Europe doit investir dans les technologies numériques et l’IA, dans l’infrastructure numérique, ainsi que dans des conditions de travail à même d’attirer l’expertise du monde entier. Elle doit également se doter d’un « pare-feu » économique pour empêcher les géants technologiques étrangers de récolter les fruits de ses investissements accrus en conférant à ses propres entreprises un accès préférentiel aux données du continent, actuellement stockées sur les serveurs de sociétés américaines. Enfin, elle doit renforcer sa législation antitrust, et empêcher le rachat d’entreprises numériques européennes prometteuses par des sociétés étrangères. 

Par ailleurs, les Européens doivent exiger des géants technologiques étrangers qu’ils partagent leur technologie s’ils entendent accéder aux marchés de l’Union. A titre d’exemple, des sociétés telles que Google, Meta, OpenAI, Microsoft, Apple et Amazon pourraient se voir imposer un délai (de un à deux ans) pour former une coentreprise avec un partenaire européen, qui prendrait progressivement le contrôle quotidien des services, des données et du stockage. En échange, les entreprises technologiques américaines conserveraient l’accès à ce qui demeure l’un des plus grands marchés au monde.

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🏃 En bref... Le reste de la veille et de l’actualité du Conseil !

L'IA promet-elle un cataclysme pour l'emploi ? Le 11 juin, dans le podcast « Questions du soir : le débat », Gilles Babinet et Malo Mofakhami étaient invités pour explorer les enjeux de l’essor de l’IA dans le monde du travail : « On est face à une équation qui a trop d’inconnues pour faire des prédictions. [...] Le scénario des gains de productivité - qui d’ailleurs n’est pas forcément un problème pour l’emploi - n’est pas certain. » Réécoutez le podcast ici. ✦ Santé mentale des jeunes : les réseaux sociaux dans le viseur. Le 11 juin, Jean Cattan était invité sur LCP Assemblée Nationale dans l’émission « Ça vous regarde », aux côtés d’Arthur Delaporte, Anna Baldy et Olivier Bonnot pour débattre autour de la question « Comment la France peut-elle concilier impératif de protection des mineurs et respect des libertés numériques et individuelles ? ». Une séquence à retrouver ici. ✦« Plus que les contenus, c’est l’architecture du réseau social qui pose problème. Il ne s’agit pas seulement de TikTok, mais de tous les grands réseaux sociaux commerciaux qui fonctionnent comme des boîtes fermées.[...] Ces réseaux sociaux ont pour seule ambition de capturer l’attention des utilisateurs et de fermer toute capacité des personnes tierces à proposer des innovations et des solutions qui pourraient amener à un dépassement des problèmes que nous rencontrons aujourd’hui. » Sur le plateau de France24, jeudi 12 juin, Jean Cattan est revenu sur la commission d’enquête parlementaire consacrée aux effets psychologiques sur les mineurs de TikTok. Il a insisté sur la dimension systémique de l’économie de l’attention qui impose de repenser profondément à la fois les infrastructures technologiques mais aussi nos modes de vie au sens large, du télétravail à l’aménagement de nos villes. Retrouvez son intervention ici.

👋 Avant de partir

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Comme d’habitude, n’hésitez pas à nous faire vos retours. Vous avez des questions, des remarques ou des suggestions ou vous souhaitez que nous abordions un sujet en particulier ? Nous sommes à votre écoute ! N’hésitez pas à répondre à ce mail ou à nous écrire à info@cnnumerique.fr

Cette lettre d’information a été préparée par Jean Cattan, Joséphine Corcoral, Gabriel Ertlé et Hubert Guillaud, illustrée par Magali Jacquemet et réalisée avec le soutien d’Alice Lépine.