A Super Demain, explorer le rapport émotionnel au numérique des adolescents

Au programme : de nombreux formats ouverts aux professionnels de l’enfance et de la médiation, avant deux jours à destination du grand public qui ont réuni 4 000 personnes. Retour sur quelques séquences enrichissantes parmi tant d’autres.

 

Un enfant et une adulte devant un jeu vidéo permettant de "faire l'expérience d'une émotion"

L'édito de Dorie Bruyas

Plongée dans notre rapport à l’information

Pour commencer la journée dédiée aux professionnels de l’enfance et de la médiation, Anne Cordier, professeure des universités en Sciences de l’Information et de la Communication à l’université de Lorraine (CREM), est revenue lors d’une masterclass sur l’accompagnement des émotions qui colorent l’information.

“Fermez les yeux et dites-moi quel est le premier souvenir informationnel qui vous vient à l’esprit”, “les attentats du 11 septembre” répond presque en chœur la salle. Anne Cordier a ensuite expliqué les 3 types d’informations auxquelles nous sommes confrontés : l’information documentaire, de service et d’actualité ; cette dernière étant particulièrement sensible pour les enfants et les adolescents, tantôt douloureuse tantôt plaisante. Elle a par ailleurs rappelé que l’émotion constitue un ancrage pour situer cette expérience.

Entre le sentiment d’impasse que provoque une actualité douloureuse et ce que cela peut générer dans notre rapport au monde, le contexte d’apprentissage de l’éducation aux médias et à l’information est particulier. Anne Cordier plaide donc pour une éducation aux médias et à l’information joyeuse et émancipatrice. Selon elle, nous ne pouvons apprendre ni nous informer dans la défiance, dans l’obsession de la fausse information. “Plutôt que d’apprendre à construire une fausse information, c’est mieux d’apprendre à construire une vraie information” abonde-t-elle.

Contribuer à la construction de l'information sur Wikipédia

Avec le CLEMI : un jeu de rôle pour des rapports familiaux plus apaisés

Nous avons participé à la démonstration d’un dispositif de jeu de rôle animé par le CLEMI pour faciliter le dialogue entre parents et enfants dans leur rapport au numérique dans le cadre d’ateliers dédiés à la parentalité.

Dans l’acte 1 (la situation initiale) le dialogue n’existe pas : les participants incarnent Raphaël, 11 ans, et son père, qui ne s’écoutent pas lorsqu’ils se parlent de leur utilisation des écrans. Dans l’acte 2, l’objectif est de créer les conditions d’un dialogue apaisé : le père doit approcher Raphaël avec une série de questions ouvertes plutôt que des affirmations, faire part de ses propres interrogations, de son besoin d’être rassuré, témoigner d’un intérêt pour les pratiques de son fils…

Au delà de son apport pour ouvrir le débat et favoriser l’apaisement des dynamiques familiales autour de l’objet numérique, cet outil a le bénéfice d’offrir une grande palette d’adaptation en fonction des publics, puisque l’animateur peut s’inspirer de n’importe quelle situation (en lien avec une problématique locale spécifique, avec une expérience vécue par l’un des participants à l’atelier…) pour en faire un sujet de jeu de rôle et creuser les possible résolutions des situations conflictuelles.

Débattre de l’accueil des émotions avec des médiateurs : retour sur l’atelier du Conseil

Un groupe de médiateurs échange avec le Conseil lors d'un atelier consacré l'accueil des émotions chez les publics accompagnés

Lors des journées de la participation, à Rouen, puis à l’occasion de l’édition nationale de Numérique en commun|s], nous avions animé des échanges avec des élus, médiateurs, agents d’accueil, Conseillers numériques France services… pour évoquer leur rapport aux émotions des publics qu’ils reçoivent et accompagné, et de leurs propres émotions.

Nous avons souhaité proposer une troisième plateforme d’échange sur ces sujets à l’occasion de Super Demain ; l’occasion de prolonger les interrogations déjà soulevées (en particulier sur la formation des médiateurs et sur la scénographie des lieux propices à cette expression).

Au fil de cet échange ressort une fois de plus le besoin de créer des espaces d’écoute et de partage entre médiateurs. Métier complexe, parfois solitaire, la pratique de la médiation conduit à être confronté à des moments difficiles dans la relation aux personnes accompagnées. La méthode de l’analyse de pratique est plébiscité par le milieu de la médiation en ce qu’elle permet de réfléchir aux actes de médiation, à prendre du recul sur ses pratiques, sa posture, et surtout à échanger entre pairs dans un environnement bienveillant.

Comment les adolescents formulent-ils leurs émotions en ligne ?

C’est la question à laquelle tente de répondre Pauline Escande-Gauquié, sémiologue, maître de conférences à Paris-Sorbonne CELSA. Au fil de cette intervention, elle a décortiqué les multiples facettes de l’expression émotionnelle des adolescents en ligne, des émotions par exemple plus fréquemment formalisées par des images que par du texte, et qui se manifestent autour de grands axes : humour et rire (via la réappropriation et le détournement d’éléments de culture populaire, cinématographique, la création de memes…), exploration des limites autour du trash, anxiété et recherche de sens (et à ce sujet, une expression moins publique, mais des débats et partages de ressources dans des groupes dédiés)...

Penser autrement l’éducation aux médias numériques

Pour conclure la journée, Grégoire Borst, professeur de psychologie du développement et de neurosciences cognitives de l’éducation à l'Université Paris Cité et directeur du laboratoire de psychologie du développement et de l’éducation de l’enfant (LaPsyDÉ - CNRS), est revenu sur l’apport des neurosciences cognitives dans l’éducation aux médias numériques.

Il plaide pour une éducation aux médias et à l’information qui intègre la métacognition, c’est-à-dire la capacité des élèves à percevoir et mieux comprendre la façon dont ils apprennent et acquièrent des savoirs. Grégoire Borst mène d’ailleurs actuellement une étude sur ce sujet avec deux chercheurs, Mathieu Cassotti et Marine Lemaire. Ensemble, ils s’intéressent dans une autre étude parallèle à la difficulté pour les 12-18 ans à identifier les fausses informations.

Écoutez Grégoire Borst parler de temps d’écran et de la qualité des contenus

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