Quel programme pour le numérique en Europe d’ici à 2030 ?
Quel programme pour le numérique en Europe d’ici à 2030 ? ✦ Mais aussi : 75% des Français préoccupés par l’usage de l’IA par l’administration ✦ Le Baromètre du numérique 2023 est en ligne ! ✦ Cartes IGN : arpenter la France autrement.
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Bonjour, nous sommes le vendredi 17 mai 2024 et voici votre moment pour prendre le temps d’interroger notre relation au numérique. Cette semaine, nous portons notre attention sur les élections européennes et sur les propositions du Conseil pour les 5 années à venir. Bonne lecture et n'hésitez pas à partager ou répondre à ce mail si vous souhaitez échanger !
💡 La question de la semaine : quel programme pour le numérique en Europe d’ici à 2030 ?
Mettre les sujets numériques au cœur du débat public. Le 9 juin (le 8 pour certaines collectivités ultramarines) se tiendra l’unique tour des prochaines élections européennes, les dixièmes de l’histoire ! Une date importante pour élire les députés européens qui continueront à œuvrer à la construction des politiques numériques à venir.
👀 LE REGARD DE... Alexandre de Streel, directeur académique du programme de recherche numérique au CERRE, professeur à l'Université de Namur et professeur invité au Collège d’Europe et à Sciences Po Paris.
La mandature qui se termine fut remarquable car l’Union européenne a adopté un cadre règlementaire complet pour l’espace numérique, ce qui constitue une première mondiale. Le Digital Markets Act vise à augmenter l’innovation et le choix des utilisateurs en ‘ouvrant’ les Big Tech à la concurrence ; le Digital Services Act vise à diminuer les contenus illégaux et la désinformation sur les réseaux sociaux en augmentant la transparence du fonctionnement des algorithmes et des risques sociétaux qu’ils entrainent ; l’Artificial Intelligence Act vise à augmenter la transparence et diminuer les risques du déploiement de l’IA dans notre société. Durant la prochaine législature, la Commission européenne, dont les pouvoirs ont été considérablement accrus, sera la chef d’orchestre de la mise en œuvre de ce triptyque législatif en faisant jouer à l’unisson les autorités nationales, les petites et grandes entreprises de la tech, la société civile et les utilisateurs. Se posera alors la question de savoir si le rôle davantage géopolitique que souhaite jouer la Commission dans un monde plus incertain est compatible avec son rôle de régulateur indépendant.
Pour la défense d’un numérique porteur de démocratie et de liens sociaux. Quels éléments de programme pour l’Europe peuvent être tirés des propositions du Conseil ? Beaucoup pour qui souhaite s’en saisir. Les trois suivantes forment un tout cohérent et peuvent être pensées sans superposition réglementaire supplémentaire. Au contraire elles visent à assurer la pleine mise en œuvre des textes existants selon un axe fort : à réseaux ouverts, régulation ouverte.
Porter la capacité de choix laissée aux utilisateurs en particulier dans la configuration algorithmique : c’est la proposition défendue par People versus BigTech, la Panoptykon Foundation, Forensic.ai, Article 19 et tant d’autres. Autant de collectifs qui portent aux côtés du Conseil l’idée d’un droit au paramétrage des réseaux sociaux. Une proposition pouvant conduire à une personnalisation complète de ces services en les dégroupant. Hier, de nombreux collectifs battaient le pavé bruxellois pour la campagne #Fixourfeeds. Et si demain il nous était possible de configurer complètement nos ré réseaux sociaux ?
📣 Tous les éléments sur la campagne #FixOurFeeds (sondage, playlist, etc.) sont accessibles ici.
On ajoutera la note Safe by Default publiée par la Panoptykon Foundation et People vs BigTech où sont mentionnés les travaux du Conseil. Le tout est en langue anglaise mais à disposition pour participer à un effort collectif de traduction au besoin.
À ce sujet, relire entre autres la note Assurer nos libertés à l’ère de l’intelligence artificielle ou encore les parties dédiées du rapport de la commission Enfants et Écrans.
En matière d’intelligence artificielle, l’approche actuelle de la régulation du numérique occulte le risque de voir les activités économiques et informationnelles intermédiées par les grandes entreprises du numérique. Demain, avec les potentialités offertes par l’IA, nos activités quotidiennes en ligne et notamment notre capacité à nous informer, pourraient être intermédiées par un agent conversationnel. Comment alors assurer une juste répartition de la valeur entre tous les acteurs ? Pour cela, il est nécessaire d’évaluer la contribution à la création de valeur à travers une plateforme de confiance, condition indispensable à l’ouverture des écosystèmes. Les autorités publiques auront un rôle important à jouer en termes de mesure, de compréhension et de partage de l’impact environnemental de l’IA pour créer du consensus et ancrer surtout la régulation future au plus près du réel.
Relire la note Cultiver la richesse des réseaux
Toujours dans la perspective d’une mise en œuvre optimale des textes en vigueur, celle-ci sera optimale si elle est avant tout collective. L’approche par les risques qui prévaut en matière de régulation du numérique suppose de pouvoir trouver les bons remèdes aux nombreux problèmes identifiés. Cela induit pour la Commission européenne un changement culturel majeur : celui de penser la régulation en lien avec les services, les États membres et leurs autorités administratives mais également la société civile et le monde de la recherche. Une condition indispensable pour rééquilibrer le rapport de force pour donner à l’Union une réelle capacité à agir. Autant de raisons qui encouragent la mise en place d’un véritable réseau des parties prenantes afin de placer la régulation au centre du débat public et de soutenir la recherche ouverte, dans la continuité d’initiatives en cours.
Pour aller plus loin :
- Élections européennes, comment s’informer ? De nombreux sites d’information et d’actualité renseignent quotidiennement sur les élections européennes, parmi lesquels Toute l’Europe ou encore Euractiv. En regardant un épisode de Backseat au Parlement européen, nous avons par ailleurs découvert la chaîne Twitch et le compte X/Twitter de Mepassistant qui décryptent l’actualité européenne. La newsletter What’s up EU décrypte une fois par semaine les sujets d’actualité européens.
- Le collectif Convergences Numériques, qui rassemble des organisations et associations professionnelles du numérique, a réuni le 25 avril dernier des représentants des partis engagés dans les élections. Clément Beaune (Renew), Flora Ghebali (Écologie et Justice), Nicolas Dainville (Les Républicains), Jean-Marc Germain (PS), Sven Franck (Volt), Pierre Beyssac (Parti Pirate) et Kévin Vercin (La France Insoumise) se sont prononcés sur les propositions spécifiques au numérique de leurs différentes listes.
🔎 La veille du Conseil
Un nouveau média pour décrypter les enjeux de la société numérique ! Comprendre, réfléchir, changer, se réapproprier et politiser : autant d’objectifs défendus par Dans les algorithmes, le nouveau média pour comprendre l'impact social de la tech proposé par l'association Vecteur. On a hâte d’en lire plus !
Le baromètre du Numérique 2023 est en ligne ! Que retenir de cette nouvelle enquête réalisée par le Crédoc pour l’Arcep, l’Arcom, le CGE et l’Anct qui mesure l’adoption des équipements et des usages numériques dans la population française ? Nous avons notamment noté 4 points :
- La progression des équipements au sein des foyers est toujours plus marquée, avec environ 300 millions d'équipements numériques en France métropolitaine, dont près d'un quart ne sont pas utilisés. Si ces usages soulèvent l’impact environnemental des nouvelles technologies, ils s'associent néanmoins de plus en plus à une conscience écologique propre au numérique : 80% des internautes accomplissent au moins une action pour réduire leur empreinte environnementale numérique. Établir des stratégies de prolongement de la vie des appareils, c’est l’objet de mémoire de Léa Mosesso, lauréate du prix du mémoire du Conseil, dont les travaux sont à retrouver ici.
- Ressort de cette édition du baromètre le caractère très hétérogène de l’appropriation du numérique : 25% des Français déclarent ne pas suffisamment maîtriser les outils numériques pour les utiliser pleinement, et plus de 40% évoquent le sentiment de manque de compétences comme facteurs limitants. Les fractures générationnelles demeurent, mais surtout les fractures sociales, sociologiques et même de genre (20% des hommes ont déjà utilisé l’IA, contre 12% de femmes). Alors que pour 2/3 des non-diplômés le numérique complique ou n’a pas d’effet sur la vie quotidienne, c’est la proportion inverse chez les diplômés du supérieur. Et tandis que 61 % des cadres et professions intellectuelles supérieures savent ce que sont les outils d’intelligence artificielle, cette proportion tombe à 28 % pour les personnes au foyer.
- Alors qu’un quart des Français ont été victimes de cyber-malveillance sur la dernière année, 59% d’entre eux ne connaissent pas les dispositifs de signalement mis en place par les pouvoirs publics et seuls 31 % des 12-17 ans déclarent en avoir connaissance. Les utilisateurs réguliers des réseaux sociaux affichent quant à eux une connaissance plus fine de ces outils, 84% des 18-25 ans ont déjà eu recours à un dispositif permettant de signaler des contenus inappropriés, un chiffre qui descend à seulement 25% chez les 12-17 ans. Les facteurs socio-économiques sont là encore à prendre en compte : là où 49% des diplômés du supérieur ont émis des signalements, ce chiffre tombe à 36% chez les non diplômés. Enfin, si 81 % des utilisateurs jugent ces dispositifs facilement accessibles, continuons à mieux orienter les utilisateurs, surtout les plus fragiles, vers les dispositifs adaptés, en massifiant les campagnes publiques d’information et en soutenant les nombreux acteurs qui participent déjà à l’apaisement de l’espace numérique, porté par la feuille de route dédiée du CNR numérique.
- Comment alors acculturer, former et rassurer les Français, dans les grandes métropoles comme ailleurs, sur le fonctionnement et les enjeux des nouvelles technologies, notamment l’IA ? Si les lieux de proximité comme les mairies et les médiathèques sont identifiés comme des espaces privilégiés de formation, les répondants diplômés déclarent se “débrouiller” seuls, là où les non-diplômés font le plus souvent appel à des proches, interrogeant l’accès à des contenus et la capacité de chacun à s’approprier ces outils. Au Conseil, nous sommes convaincus que ce n’est qu’à travers la mise en réseau et le soutien des acteurs et des ressources que nous pourrons garantir une appropriation collective.
75% des Français se disent préoccupés par l’usage de l’intelligence artificielle par l’administration. C’est ce que révèle l’enquête Acteurs publics/EY présentée le 14 mai pour l’Observatoire des politiques publiques. Les rédacteurs de l’enquête identifient un 1er pilier fondamental pour créer un environnement propice à l’adoption de l’IA : l’acculturation des dirigeants et de formation des collaborateurs, pour démystifier cette technologie, travailler sur des cas d’usages, ses enjeux et risques, alors que les problématiques liées à la perte d’emploi atteignent plus de 50% chez les moins de 35 ans, les employés et les ouvriers. Expérimenter, sensibiliser et débattre, c’est également ce qui ressort de l’enquête réalisée par Maxime Gennaoui-Hétier auprès de plus de 2 000 agents publics. Ce pourquoi il encourage à partager les pratiques et à mettre en place des temps d’échange type Cafés IA dans les administrations.
« On ne peut pas laisser des grands acteurs capturer la manière de nous représenter notre propre territoire. » L'Institut national de l'information géographique et forestière (IGN) lance ce mercredi sa toute nouvelle application pour smartphone "Cartes IGN". L’application vise à défendre « un regard complémentaire pour faire en sorte que nos concitoyens ne soient pas captifs d'outils qui ont des fins commerciales », selon son directeur général Sébastien Soriano sur France Inter. Étudier nos représentations du monde et nos façons de l’habiter à travers les cartes, notamment à l’heure du numérique, c’est l’objet du numéro « Les cartes, le réel et nous » du 1 hebdo publié en novembre 2022, que nous avons construit en partenariat avec l’IGN et que vous pouvez vous procurer ici.
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🗓️ À vos agendas
Comment l’intelligence artificielle transforme nos esprits et nos sociétés ? Jeudi 23 mai à 18h30, Anne Alombert donne une conférence à l’auditorium du Monde et à l’invitation de La Vie. L’IA est-elle en train de redéfinir notre humanité et notre façon de penser ? Quels risques pour nos démocraties ? Comment faire face à ces bouleversements ? Inscriptions.
🏃 En bref... Le reste de l’actualité du Conseil en 1 minute chrono !
Internet et éducation à la sexualité, on continue d’en parler ! Retrouvez sur notre site 3 nouveaux entretiens et la synthèse du 2e échange collectif sur les liens entre éducation aux médias et à l'information et éducation à la sexualité. ✦ « Les préconisations émises par les experts de la commission Écran doivent être accompagnées d’une vaste réflexion sur le développement d’activités alternatives pour les jeunes. » Pour Le Monde, Serge Tisseron revient sur le rapport remis par la Commission Enfants et Écrans (nous y reviendrons la semaine prochaine), insistant sur la façon dont enfants et adolescents pourraient réinvestir l’espace de rencontre qu’est la ville. ✦ « Si on procède avec l’IA générative de la même manière que pour les droits voisins, on repartira sur le même scénario, en pire. » Dans une interview pour Mind Media, Joëlle Toledano décrit les façons de mettre en place un partage de valeur le plus juste possible à l’heure des IA génératives. ✦ « La pauvreté des réseaux sociaux n’est pas une fatalité. Nous pouvons les enrichir de très nombreuses fonctionnalités. Mais pour ça, il faut les ouvrir. » Jean Cattan était invité du podcast Le meilleur des mondes pour débattre de la mainmise des Big Tech sur notre attention, aux côtés de Célia Zolynski et Karl Pineau. À écouter ici.
Merci pour votre lecture et à la semaine prochaine !
👋 Avant de partir
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Cette lettre d’information a été préparée par Marie Bernhard et Louis Magnes avec le soutien de Gabriel Ertlé, Agathe Bougon et Jean Cattan et illustrée et améliorée par Magali Jacquemet.